Découvrir son diabète lorsqu’on a soi-même un parent diabétique : souvent redouté, le diagnostic n’est pas pour autant source d’étonnement. Mais pour ceux qui mettent la maladie à distance et aimeraient en nier le risque, l’annonce est alors cruelle. Et pour les parents malades, la révélation du diabète d’un enfant est tout aussi difficile. Que l’on s’y prépare ou que l’on cherche au contraire à l’évacuer, la culpabilité et l’inquiétude sont parfois au rendez-vous. Et le chemin est long pour trouver l’apaisement et la sérénité dans sa vie familiale.

Jean-Claude, 62 ans, vient d’apprendre son pré-diabète. Étrangement, malgré ses antécédents familiaux – sa mère est diabétique, d’autres membres de sa famille le sont également – il est relativement surpris.  Il a toujours cherché à conserver une bonne hygiène de vie : très attentif à son alimentation, il a aussi pratiqué une activité physique régulière. « Je ne savais pas, bien évidemment, si ça m’arriverait ou pas… Mais je m’étais persuadé qu’avec mon mode de vie, j’étais moins exposé. » Il s’était en effet documenté sur la maladie, avait cherché à ajuster son comportement à cette épée de Damoclès… et pensait sincèrement que cela l’épargnerait.

Des réactions inégales face à l’annonce du diabète

Jean-Claude vit par conséquent son pré-diabète comme une injustice : « J’avais toujours un petit doute, une légère inquiétude, parce que je savais qu’il y avait une prédisposition génétique. Mais quand même, moi je prends soin de moi, je m’entretiens ! D’accord, je ne suis pas un grand sportif mais je suis vraiment quelqu’un qui bouge, qui fait probablement bien plus d’activité physique que la moyenne des Français ! »

Nathalie, quant à elle, a découvert son diabète tardivement. Elle avait 40 ans, une vie menée tambour battant avec sa famille, ses activités professionnelles, ses passions… quand soudain, tout s’est écroulé.  Accepter sa maladie et les changements de vie qu’elle lui imposait n’a vraiment pas été facile pour elle. Elle a pourtant dû se rendre à l’évidence, s’adapter… et se demander si son fils et sa fille seraient touchés eux aussi.

Le diabète de son fils lui a été annoncé dans des conditions un peu particulières. « C’était en pleine nuit, on l’avait amené aux urgences. On nous a annoncé son diabète comme ça, soudainement, sans précaution préalable, et en plus… c’était le jour de son anniversaire ! », raconte Nathalie.

Son garçon, contrairement à Jean-Claude, a accueilli le diagnostic sans trop de surprise. Le fait de vivre avec une mère diabétique l’a-t-il aidé à mieux accepter la situation ? Nathalie en est persuadée : « Il l’a bien vécu car il a une maman diabétique et qu’il voit qu’on peut quand même vivre avec cette pathologie. »

La seule grande inquiétude du jeune garçon était de savoir s’il allait pouvoir continuer à pratiquer le sport normalement… « Il doit faire ses injections et peut continuer ! assure Nathalie. Il nous  dit d’ailleurs qu’une fois qu’il a fait ses injections, il n’a pas le sentiment d’être diabétique. Il continue à mener une vie normale d’adolescent ! »

Préserver ses proches les plus fragiles

Du côté de Jean-Claude, le quotidien n’a pas réellement changé depuis qu’il se sait pré-diabétique. Proche de sa mère, il pensait connaître parfaitement son mode de vie, son traitement et les éventuelles complications liées à la maladie. Or depuis l’annonce du diagnostic, il se rend compte que c’est seulement en la vivant au quotidien qu’on parvient à la connaître, et à comprendre vraiment ce que ressentent les personnes atteintes. Le voilà du coup beaucoup plus compréhensif envers sa maman !

Pour la protéger, il a aussi choisi de ne pas lui parler de son pré-diabète : « elle pense qu’aucun de ses enfants n’est concerné. » Il veut à tout prix éviter qu’elle se sente responsable. Son grand-père maternel a échappé à une éventuelle culpabilité due à l’hérédité de la maladie, car il est mort bien avant que sa fille ne découvre son diabète. « Ce que ma mère m’a dit, c’est que parfois elle en veut à son père (papa que par ailleurs elle adorait), de lui avoir transmis cette maladie devenue pour elle, avec le grand-âge, très invalidante. » Par amour pour sa maman et pour lui épargner une possible culpabilité, Jean-Claude garde son secret.

Quant à Nathalie, c’est toute la cellule familiale qu’elle cherche à préserver. Pas question de cacher quoi que ce soit à ses proches, mais elle ne veut pas laisser la présence du diabète troubler l’ambiance familiale et les relations dans la fratrie. Elle accorde du temps à tous, sans distinction : « Je ne voulais pas donner l’impression à ma fille que je m’occupais plus de son frère que d’elle ! » Le diabète ne devait pas devenir une source de complicité entre la mère et le fils, qui aurait pu faire naître un sentiment d’exclusion chez la jeune sœur…

Pour aider son fils, paradoxalement, elle refuse qu’il aille voir le même diabétologue qu’elle : c’est ainsi qu’il pourra acquérir une certaine autonomie dans la gestion de sa maladie. Avoir chacun son propre médecin, c’est également une façon de préserver son intimité et celle de son enfant : « Ce que je raconte à ma diabétologue, mes soucis avec le diabète, je ne voudrais pas forcément que mon fils l’entende. »

S’appuyer sur ceux qu’on aime

Le mari de Nathalie, qui n’est pas diabétique, s’est lui aussi beaucoup engagé dans la gestion du diabète de son fils. Il l’accompagne à ses consultations, surveille ses consommations de boissons sucrées, l’aide au quotidien. Il estime que le fait d’être diabétique n’implique pas pour Nathalie de s’occuper entièrement de la maladie de leur fils.

Pour impliquer encore plus son mari, Nathalie a aussi souhaité qu’il suive une formation, afin « qu’il comprenne bien ce qu’implique le fait d’être diabétique. » Cette compréhension est à l’origine d’une grande proximité entre le père et le fils, ce qui soulage Nathalie. Elle n’a pas à tout porter et peut se reposer un peu sur son mari lorsque sa santé ou celle de son fils l’inquiète.

Au-delà de la famille, les amis prennent également souvent le relais : « Mon fils en parle à ses copains de collège, à ses meilleurs amis. Ils lui posent plein de questions, ils essaient de comprendre. Ça le fait rigoler car leurs questions sont souvent naïves… mais il est heureux qu’on s’y intéresse. » Il a en revanche du mal à accepter que les adultes extérieurs à la famille lui parlent de son diabète. « Ça a tendance à l’énerver ! C’est mon truc à moi, dit-il dans ces moments-là ! »

Comme Nathalie, et même si de son côté, il a caché son diagnostic à sa maman, Jean-Claude associe ses proches à sa lutte contre le diabète, ce qui l’a par exemple rapproché de son beau-frère. En revanche, sa sœur aînée, également diabétique, ne semble pas avoir les mêmes préoccupations que lui. « Elle me dit ‘toi ça te préoccupe vachement, moi je m’en fous un peu…’ Vous voyez, elle est plus légère que moi par rapport à la maladie », raconte Jean-Claude.

Il poursuit : « Je lui ai demandé si elle pouvait me communiquer son hémoglobine glyquée mais elle n’a pas fait d’analyses, je la sens un peu rétive… Après, je ne veux pas non plus la forcer. »

Envisager l’avenir… en famille

Difficile pour Jean-Claude d’envisager l’avenir. Selon lui, il lutte en adoptant une bonne hygiène de vie, il pratique le jeûne et essaie de nombreux régimes. Sa principale crainte est d’être contraint de prendre un traitement. « Ce qui me fait peur, c’est l’escalade, c’est irréversible et nécessairement on va aller vers des traitements qui vont augmenter. »

Son souhait est aussi de sensibiliser les autres, de témoigner. « Je lutte contre la maladie en témoignant, en informant les autres, en leur expliquant notre quotidien pour les aider à se soigner.  C’est ce qui m’a le plus manqué… commente-t-il. Les nouvelles générations doivent être mieux accompagnées. Il faut faire plus de prévention. »

Quant à Nathalie, elle a confiance en son fils et en sa façon de gérer son diabète. « Je sais qu’il va s’en sortir parce qu’il est sérieux, très posé. » Des qualités indispensables pour gérer les traitements. Mais elle n’arrive pas à se projeter complètement dans le futur et se fait malgré tout du souci pour l’avenir de son fils – pour sa vie d’adolescent, pour ses études.

Et surtout, elle surveille fébrilement sa fille… Elle a beau s’y préparer, elle espère ardemment qu’elle sera épargnée.

 

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Les propos des interviewés n’engagent qu’eux-mêmes.