Apprendre que sa petite sœur est diabétique, c’est découvrir la réalité de cette maladie et essayer de la comprendre. On ne se rend souvent pas compte, lors de l’annonce du diagnostic, de ce que cela va entraîner comme bouleversements dans la vie de la personne touchée et des conséquences que cela pourra avoir sur la vie de la famille.

Une famille en quête d’information

Anaïs et Catherine viennent toutes les deux d’une famille nombreuse, elles ont aujourd’hui une trentaine d’années. Elles avaient respectivement 18 et 20 ans quand chacune de leurs petites sœurs a été diagnostiquée diabétique de type 1 : Eléonore, 13 ans et Laura, 8 ans.

« Ça a été assez soudain, on s’y attendait pas, raconte Anaïs. Je pense qu’on n’a pas très bien compris, quand Eléonore a été diagnostiquée, ce que ça impliquait réellement, les retentissements que ça aurait sur sa vie mais également sur celle de notre famille ».

Eléonore a tout de suite pris sérieusement en main le traitement de son diabète : « Elle était très lucide et rationnelle. C’est également une très grande pédagogue qui expliquait avec clarté sa maladie, ajoute la grande sœur admirative, elle nous faisait à tous des dextro tout le temps ! ».

La vie de la fratrie en a-t-elle été chamboulée ? Anaïs tempère : « Je me souviens qu’au départ ça m’a perturbée, mais sans impliquer réellement de grand changement dans ma vie. Je ne me rendais pas compte de ce que ça voulait dire concrètement dans son quotidien, à elle… ».

Une présence discrète mais nécessaire 

« Je suis très admirative de sa manière de gérer ça quand même, même si ça n’a pas toujours été simple ». Eléonore a en effet ressenti de vrais troubles alimentaires. Anaïs s’est rendue compte à ce moment-là que sa cadette se soignait mal, et qu’elle mettait ainsi sa vie en danger. « Ce qui est particulier pour ce type de maladie, c’est qu’on peut bien vivre avec au quotidien, on l’oublie et pourtant on sait qu’elle est là ». Des négligences qui ont donc alerté la grande sœur et lui ont permis de tirer la sonnette d’alarme auprès de leurs parents. Lorsqu’elle était inquiète, Anaïs a souvent parlé du diabète d’Eléonore avec sa mère :  « Elle est médecin, c’était la bonne personne à qui poser les questions pour comprendre certaines choses ».

A la suite du diagnostic, Laura, quant à elle, a été hospitalisée une dizaine de jours. Ses parents, sa sœur Catherine et ses frères allaient régulièrement à l’hôpital la voir : « On nous a expliqué un peu comment ça allait se dérouler, quel était le protocole de soins… ». La famille a donc été rapidement sensibilisée à la prise en charge du diabète.

Catherine savait ainsi que Laura devait avoir deux injections quotidiennes d’insuline, « rapide et lente », au moment des repas. « Je ne pourrais pas vous dire exactement dans quel sens elles se font, il y en avait une par exemple le soir qui doit se faire un peu plus tard que l’autre. Et avant, elle prenait sa glycémie par dextro ». Ce sont ses parents qui lui injectaient l’insuline les premières années : « Ils le faisaient devant nous, mais moi je ne lui ai jamais fait d’injection ! », commente la grande sœur.

Pas de tabou sur le traitement mais mon vécu avec la maladie, ça me regarde !

Laura est très intéressée par les nouvelles technologies, « elle teste tous les nouveaux trucs qui sortent. Dès qu’elle a eu sa pompe, elle l’a tout de suite montrée ». Finalement, avec le temps, Catherine a vaincu son appréhension : « Aujourd’hui, ça m’arrive de lui faire ses piqures avec son stylo ! ». Sur son traitement et sa réalité quotidienne, Laura ne s’est jamais cachée. D’après Catherine, c’est plutôt son ressenti qu’elle n’a jamais vraiment échangé… « Elle est très secrète sur ces questions… Ce qu’elle pense, ce qu’elle ressent… ça, nous n’en parlons plus jamais ».

Le diabète, parfois source de renfermement

Cela n’a pas toujours été le cas. Catherine et Laura sont très complices depuis l’enfance ; la différence d’âge ne les a pas empêchées d’être très proches et avoir une bonne relation. Discuter du diabète avec sa sœur n’était pas un problème quand elles étaient plus jeunes. « Mais depuis quelques années c’est un peu un sujet évité, parce qu’elle vit très mal la situation maintenant ». Sa sœur trouve son diabète très contraignant, notamment les injections d’insuline. « Son diabète est déséquilibré aujourd’hui, explique Catherine. C’est un sujet tabou depuis un petit moment. On essaie d’en parler mais c’est compliqué, je me sens du coup moins impliquée, ce que je déplore ».

L’important c’est d’être présent dans la vie de l’autre

« Quand j’étais étudiante, on ne s’appelait pas beaucoup, on n’est pas très téléphone dans la famille », se souvient de son côté Anaïs au sujet d’Eléonore. Mais quand elles se voyaient elles avaient toujours une relation intime, elles échangeaient beaucoup, surtout dans les moments où ça n’allait pas forcément – « on a toujours été assez proches. On ne peut pas faire en sorte que les choses aillent mieux mais on peut juste être là pour l’autre », conclut-elle avec justesse.

 

Remerciements à Thibaut, qui a réalisé cet entretien.

Les propos des interviewés n’engagent qu’eux-mêmes.

 

Découvrez la suite des témoignages d’Anaïs et Catherine :

Fratrie : une relation rendue complexe par le diabète ?