La lutte contre le diabète est l’objet depuis des décennies de nombreuses avancées. Pour autant, la situation à travers le monde est particulièrement contrastée. La perception que nous en avons en France ne doit pas masquer certaines réalités : le diabète ne bénéficie pas toujours d’une sensibilisation adéquate auprès des populations. Quant à sa prise en charge par les pouvoirs publics, elle est elle aussi variable et induit des situations très disparates pour les patients diabétiques. Le Diabète LAB a interrogé trois de ses Diabèt’acteurs, diabétiques de type 1 résidant chacun dans un pays représentatif d’une de ces réalités pour recueillir leurs points de vue, leur vécu.

Une méconnaissance ou une perception erronée du diabète

Floriane, 26 ans, est originaire du Cameroun, et vit en Mauritanie depuis 4 ans. Elle estime que la méconnaissance du diabète y est très largement partagée. « Les gens disent que c’est ‘leur ami’ parce qu’ils peuvent vivre avec sans souci, observe-t-elle. Ils mangent ce qu’ils veulent et sont souvent en surpoids. Ceux qui sont conscient du danger de la maladie font plus attention et se prennent en charge eux-mêmes… » Floriane parle ainsi de ses deux pays, les représentations de la nourriture étant sensiblement les mêmes en Mauritanie et au Cameroun…

Elle nous guide dans sa vision globale du diabète. Il y aurait selon elle un premier besoin d’information pour que la population soit diagnostiquée tôt, mais aussi l’amener à voir les dangers liés à cette maladie. « Au Cameroun, peu de gens se disent vraiment diabétiques, ce qui conduit à une mortalité plus importante », constate Floriane… Encourager une meilleure connaissance du diabète, est selon eux, une première étape d’autant plus difficile à faire passer que la perception de la maladie par la population est souvent erronée, et la sensibilisation voire inexistante. Beaucoup ne connaissent pas les complications liées à cette maladie et d’autres vont jusqu’à dire que cette maladie « est faite pour les familles riches » selon Floriane.

Sabrina, 25 ans, est marocaine. Pour elle aussi, la première cause des difficultés que rencontrent les personnes diabétiques dans son pays est la méconnaissance de la maladie dont font preuve la plupart de ses concitoyens : « ils connaissent seulement certaines complications, surtout la possibilité de perdre la vue… » Il conviendrait selon elle d’axer beaucoup l’information sur l’hygiène alimentaire qui est trop souvent laissée pour compte…

Des professionnels de santé parfois trop peu formés

Quentin, 23 ans, Français installé en Corée du Sud pour ses études, est totalement pris en charge pour son diabète par la Caisse des Français de l’Étranger et par une mutuelle complémentaire. Il observe néanmoins lui aussi une situation compliquée pour les personnes diabétiques, malgré l’appartenance de sa région d’adoption à la sphère des pays « riches ». Et même si la cause en est différente, le manque d’information est là aussi criant. D’après lui, la sensibilisation devrait en priorité concerner les professionnels de santé qui ont besoin de plus d’information pour mieux aider les patients. « Je parlais avec une amie infirmière qui ne connaissait pas les différents types de diabète, explique-t-il par exemple. Elle a été choquée que je sois diabétique et aussi maigre ! Elle avait ces clichés en tête. »

Cette réalité conduit parfois le jeune diabétique à vivre des expériences… surprenantes ! « J’ai été hospitalisé pendant une semaine, raconte-t-il. Un jour, je n’avais pas pris mon repas, et les soignants m’ont quand même dit de prendre mon insuline – ils m’y ont obligé ! Je l’ai donc fait, mais j’ai dû aller très vite dans une supérette pour acheter à manger ! »

Des prises en charge publiques insuffisantes

Selon Sabrina, au Maroc, seules les personnes diabétiques qui travaillent et bénéficient d’une mutuelle peuvent se soigner « correctement », alors que les personnes sans emploi restent livrées à leur propre sort – dans un pays où le taux de chômage avoisine les 10 % (et près de 40 % chez les jeunes urbains !).

Sabrina passe des examens sanguins tous les trois mois et va chez l’endocrinologue pour contrôler sa glycémie , elle doit débourser 550 dirhams (environ 50 €). Pour un bilan global annuel où elle consulte un ophtalmologue, un cardiologue, un neurologue cela lui coûte 4 000 dirhams [un salaire moyen est d’environ 370 € par mois au Maroc], ce qu’elle trouve encore trop cher… et pas très cohérent : « on nous donne l’insuline mais les examens sanguins sont payants… »

Quentin, de son côté, est logiquement moins affecté par la situation : il sait qu’il aura droit à un remboursement malgré l’avance de certains frais. Mais il observe des situations particulières, que les Coréens ont probablement du mal à gérer sereinement. « Les ordonnances sont à usage unique, constate-t-il par exemple. À chaque fois que je suis obligé d’aller voir un médecin pour qu’il me fasse une ordonnance, j’ai une semaine pour aller acheter les médicaments dans une pharmacie, sinon si je dépasse le délai je dois retourner chez un médecin. » A cette situation inhabituelle pour lui, s’ajoutent d’autres difficultés, notamment la prise en charge partielle du prix des consultations : « avec l’assurance française, tout est remboursé, mais avec une assurance coréenne ce serait seulement 60 % ».

Un accès aux soins souvent problématique

Mais l’essentiel n’est parfois pas là, car le coût prohibitif des consultations se double parfois d’une grande difficulté à obtenir un rendez-vous. Pour Sabrina par exemple, il a fallu attendre six mois pour obtenir son prochain rendez-vous… Le problème financier et celui de l’accès aux soins sont d’ailleurs intimement liés, dans son cas notamment : « Avant, quand le médecin faisait ses consultations à la clinique, je payais 250 dirhams. Maintenant que c’est à l’hôpital, je ne paie que 70 dirhams… mais on ne me donne pas de rendez-vous ! »

Sabrina sait que des associations dédiées au diabète assurent une prise en charge alternative au Maroc. Elle a voulu en rejoindre une, mais l’adhésion est liée aux conditions de vie de la personne, qui doit se trouver en situation de précarité – ce que l’association vérifie en visitant le domicile du demandeur. Sabrina raconte avec un air désespéré qu’elle n’a jamais reçu la visite tant attendue… « Tu peux donc faire partie de l’association mais ne jamais en bénéficier ». Elle explique que certains membres de l’association bénéficient d’une prise en charge supplémentaire à celle qui est octroyée par l’Etat marocain. Ils sont notamment exemptés de certains frais de consultations et de traitement…

S’impliquer dans l’associatif pour favoriser la sensibilisation

Pendant ce temps en Mauritanie, Floriane s’implique activement dans la lutte contre le diabète. Elle développe le projet d’ouvrir un centre d’aide aux personnes diabétiques – « encore sur le papier » – et collabore avec des associations de personnes diabétiques. « Je travaille avec les présidentes de deux associations. Ici on n’a pas de prise en charge, personne ne fait attention au sucre, à ce qui est gras ou en rapport avec le poids, alors que de mon côté j’ai pris conscience de la nécessité de s’informer pour lutter contre le diabète. Je voulais prendre cette initiative pour sensibiliser les gens, et leur dire que c’est une vraie maladie, dont on peut mourir ! »

Un long chemin au service d’une meilleure connaissance du diabète. Un chemin sur lequel Sabrina, Quentin et Floriane savent que les pays où ils vivent doivent s’engager, sous peine de laisser les personnes diabétiques passer à côté des progrès notoires dans la lutte contre la maladie…

Les propos des interviewés n’engagent qu’eux-mêmes.

Pour en savoir plus sur le diabète dans le monde :

 

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