Les dispositifs de mesure en continu du glucose sont-ils un facteur d’allègement des contraintes qui pèsent sur les personnes diabétiques ? Ou bien sont-ils eux-mêmes porteurs de nouvelles chaînes pour les malades ? Les études que le Diabète LAB a conduites sur différents modèles de lecteurs plaident clairement pour la première réponse. Même si elle n’est pas totalement sans limites…

A l’occasion de l’une des recherches consacrées aux dispositifs de mesure en continu du glucose dédiées aux personnes diabétiques pour qui ils sont indiqués, le Diabète LAB s’est attaché à comprendre la façon dont elles se les procurent, les utilisent, voire les abandonnent.

Pour bien percevoir le saut qualitatif apporté par ces lecteurs de glucose en continu, il est d’abord essentiel de se remettre dans le contexte « traditionnel » d’auto-surveillance glycémique de la personne diabétique. Celle-ci, on le sait, est à la fois vécue comme extrêmement contraignante et parfois douloureuse : pour certains patients, elle nécessite en effet une piqûre pluriquotidienne du bout du doigt pour réaliser la mesure de la glycémie.

Un outil qui libère du regard des autres

Depuis leur première apparition dans les années 2000, des lecteurs connectés proposent aux patients une mesure permanente du glucose, par simple contact avec la peau. Un capteur placé sur le bras produit des données sur le glucose, à partir du liquide interstitiel qui entoure les cellules. Il communique ces données à un petit afficheur connecté (un lecteur) par une liaison sans fil.

De la sorte, les lecteurs en continu délivrent le patient d’une contrainte lourde et le libèrent en même temps de la douleur. Le progrès est évident, notamment en termes de confort : les tests sont plus faciles à réaliser, plus discrets, et peuvent donc être effectués à tout endroit. Cette liberté nouvelle profite notamment à l’auto-surveillance sur le lieu de travail, qui devient moins impactante. Le risque du regard négatif des collègues en particulier, sans disparaître complètement, devient moins prégnant.

Le bénéfice est double : les utilisateurs interrogés affirment « avoir une meilleure qualité de vie » ; et cette auto-surveillance facilitée leur apporte une meilleure connaissance de leur maladie.

Confronter son ressenti à une masse de données en continu

Alors que la mesure par piqûre au bout du doigt offre des mesures ponctuelles qui permettent difficilement de dégager des tendances, les lecteurs de glucose en continu proposent tous une lecture immédiate de la tendance à la baisse ou la hausse de la glycémie, et une courbe avec son évolution sur les dernières heures. Lorsqu’elle est inquiète de constater ou de ressentir certains symptômes, la personne diabétique utilisant les méthodes traditionnelles est limitée dans son analyse par la contrainte de la piqûre au bout du doigt ; libérée de cette contrainte, celle qui utilise un lecteur de glucose en continu va s’appuyer sur les mesures répétées dans des laps de temps très courts, pour confronter son ressenti à une courbe précise.

La diminution de la contrainte est ainsi synonyme d’amélioration de la réactivité dans l’auto-prise en charge, mais aussi de compréhension plus fine des mécanismes de la maladie et de ses effets sur le corps ; in fine, cette libération encourage chez la personne diabétique une meilleure connaissance de soi, facteur essentiel dans l’amélioration du traitement, mais aussi de son bien-être. Les patients déclarent se sentir plus acteurs de leur maladie.

Nouvelles contraintes, nouvelles formes d’accompagnement

Pourtant, l’étude conduite par le Diabète LAB sur l’acceptation de ces dispositifs médicaux ne démontre pas que des effets bénéfiques. Si l’allègement du poids pour ceux qui ont à réaliser des piqûres quotidiennes au bout du doigt est évident, la contrainte peut réapparaître sous une autre forme : celle de la « maintenance » et de l’apprentissage technique du dispositif. Différence de mesure entre glycémie capillaire et valeur affichée par la mesure en continu du glucose, décollement ou dysfonctionnement du capteur, allergie cutanée, difficulté à comprendre et à utiliser les données : les sources potentielles de découragement ne sont pas rares, et peuvent constituer une cause d’abandon du dispositif.

Et ces nouvelles contraintes peuvent contribuer à creuser le fossé entre les patients les plus connectés et investis dans la prise en charge de leur maladie, et les autres… C’est notamment le cas lorsqu’une profusion de données est mise à la disposition de personnes peu habituées à utiliser des outils numériques.

Ces nouvelles contraintes doivent induire de nouvelles formes d’accompagnement, afin de permettre une meilleure appropriation de ces dispositifs par les patients qui souhaitent les adopter. Elles doivent aussi conduire les fabricants à « co-construire » les produits avec les patients : il faut désormais penser le développement de ces objets connectés non seulement en fonction de leur bénéfice clinique, mais aussi du mode de vie des utilisateurs.

 


L’étude

  • Cette étude porte sur les perceptions des patients vis-à-vis des lecteurs de glucose en continu. Aucun modèle n’est privilégié par rapport à un autre.
  • L’analyse repose sur des entretiens approfondis avec 27 patients et 5 professionnels de santé ; sur une cinquantaine de témoignages par e-mails ; et sur des échanges apparaissant sur des forums publics et privés. Les utilisateurs de lecteurs par système flash sont fortement représentés dans notre échantillon.
  • Un prochain article tiré de cette même étude sera consacré à la façon dont les lecteurs de glucose en continu améliorent la réflexion du patient sur son diabète, et plus largement sur lui-même et sur sa santé.

 

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Pour en savoir plus : « Les dispositifs d’autosurveillance du diabète et les transformations du travail du patient. Les nouvelles formes de temporalité, de réflexivité et de connaissance de soi liée à l’expérience de la maladie chronique »Revue d’Anthropologie des connaissances.