Identification des facteurs associés au recours à la télémédecine des personnes diabétiques pendant l’épidémie de la COVID-19 à partir de données du SNDS – résultats de l’étude DIABACCESS

Contexte

En France, presque 4 millions de personnes sont prises en charge pharmacologiquement pour un diabète (soit 6,1% de la population). Les pratiques liées à la télémédecine ont eu un essor considérable au cours de l’épidémie de la COVID-19. Si plusieurs études ont démontré son efficacité dans le contrôle de l’équilibre glycémique des patients diabétiques (1), le rapport à la télémédecine semble influencé par des facteurs territoriaux, mais aussi sociaux comme l’âge, le genre ou le niveau d’étude (2). Ainsi, la Fédération Française des Diabétiques (FFD) a conçu l’étude DIABACCESS afin d’identifier les facteurs associés au recours à la télémédecine à partir du Système National des Données de Santé (SNDS).

Méthode 

Le SNDS est une initiative française unique au monde. Il agrège en effet les différentes bases des données médicales, dont celles du SNIIRAM pour les données de l’assurance maladie et le PMSI pour les données hospitalières. Il permet ainsi de réaliser des études sur l’ensemble de la population française et sur la totalité de la consommation de soins.

DIABACCESS est une étude longitudinale (à plusieurs dates) rétrospective (sur une période passée) sur le SNDS portant sur les personnes atteintes de diabète (PaD) et leurs recours à la télémédecine au cours de la période de l’épidémie de COVID-19 (du 17/03/2020 au 31/12/2020). Les données ont été analysées en décembre 2022. Les PaD ont été identifiées à partir de la cartographie de la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie (CNAM) de 2019[1]. Il s’agit d’un algorithme permettant, selon les traitements, d’identifier les PaD. En effet, le SNDS n’inclus pas de nom de pathologie. Il n’est ainsi pas possible de distinguer les personnes atteintes d’un diabète de type 1 (PaDT1) des personnes atteintes d’un diabète de type 2 (PaDT2), seulement de distinguer les personnes traitées par insuline (majoritairement DT1, mais aussi un nombre conséquent de DT2) et les personnes traitées par antidiabétiques oraux (presque exclusivement DT2). Le recours à la télémédecine a été identifié par la présence d’au moins un remboursement d’une des prestations de référence de téléconsultation (TéléConsultation avec un Médecin Généraliste [TCG] et TéléConsultation avec un spécialiste [TC]) dans le SNDS sur la période d’analyse. Le lien entre les facteurs socio-démographiques et les TéléConsultation a été analysé par une régression linéaire généralisée.

Résultats

Le projet a été déposé le 12 Juillet 2021 au HDH ; le CESREES a émis un avis le 2 Septembre 2021, la CNIL a émis une autorisation le 28 Septembre 2021. La convention CNAM a été initiée le 11 Octobre 2021, l’extraction des données a été validée le 7 avril 2022 et ont été obtenues en octobre 2023.

Les données de 3,75 millions de PaD ont été analysées, dont 42,2% de femmes et d’âge moyen 67,7±14,1 ans. La proportion de PaD augmentait avec la défavorisation (14,3% pour le 1er et 23,5% pour le 5ème quintile FrenchDEPprivation index 2015).[2]

La majorité des PaD (73,2%) était traitée par antidiabétiques oraux, 22,1% par insuline et 8,9% par Agonistes du récepteur GLP1 (A-GLP1). Ils étaient 95,0% à bénéficier d’une Affection Longue Durée (ALD) et 52,1% à avoir une pathologie chronique autre que le diabète.

Les PaD étaient 17% à recourir à au moins une TCG, majoritairement réalisées pendant les 1er et 2e confinements (53,0% et 19,5%). Ils étaient 8% à réaliser au moins une TC, majoritairement durant les mêmes périodes (53,2% et 19,5%). Les principaux facteurs associés à la TCG étaient : âge de 20 à 39 ans, sexe féminin, dernier quintile de défavorisation, avoir une ALD, traitement par A-GLP1 ou insuline. Pour les TC, les facteurs étaient similaires hormis le sexe (pas d’effet significatif) et l’âge (TC maximales chez les moins de 20 ans).

Discussion

L’objectif principal de l’étude DIABACCESS était d’identifier les facteurs associés au recours à la TC(G). Nos résultats suggèrent que les facteurs sociaux, notamment l’âge et la défavorisation ont un effet significatif. Les personnes les plus âgées ainsi que les plus défavorisées sont moins susceptibles d’y recourir. La TC(G) ne semble pas permettre de pallier les inégalités sociales, elle parait même en être dépendante. Ceci est d’autant plus problématique que le diabète, en particulier de Type 2, concerne majoritairement des personnes âgées fortement défavorisées.

La FFD étant la première association de patients s’étant saisie du SNDS, il nous paraît également important de faire un retour sur cette expérience. Il convient d’abord de noter que la constitution des dossiers est complexe et nécessite l’accompagnement de sociétés spécialisées, comme nous l’avons été par Sanoïa. Ensuite, il est important de prendre conscience que la temporalité de ce type de projet est longue, presque un an et demi dans notre cas. Enfin, bien que particulièrement riche, il est important de prendre conscience que la majorité des variables sont des approximations de caractéristiques (comme le type de diabète, la défavorisation, etc.) et que la qualité des données dépend de la qualité de leur codage par les professionnels de santé. Si le SNDS est une incroyable source de données pour les patients, son appropriation par des associations reste complexe. Nous remercions le Health Data Hub pour son travail en faveur de la « démocratisation des données de Santé ».

Conclusion

L’étude DIABACCESS est la première étude sur le SNDS portée par une association de patients. Les résultats mettent notamment en exergue l’impact négatif de la défavorisation et l’âge sur le recours à la TC(G) pendant l’épidémie de COVID-19. Ainsi, les inégalités sociales de santé associées à l’âge et à la pauvreté se sont exprimés sur le recours à la téléconsultation lors de cette épidémie.

[1] La cartographie de l’assurance maladie est un algorithme qui permet d’identifier les pathologies en fonctions de plusieurs critères dont la classification internationale des maladies (CIM-10), les ALD, les médicaments, etc. Ainsi pour être identifié comme une personne atteinte de diabète : avoir eu au moins 3 délivrances à différentes dates d’antidiabétiques oraux ou injectables et/ou bénéficier d’une ALD avec le code CIM-10 diabète et/ou avoir été hospitalisé au cours des 2 dernières années avec le code CIM-10 diabète, etc.
[2] Un quintile correspond à la division de la population en 5 et la défavorisation à la pauvreté. Autrement dit le premier quintile correspond au 20 % les plus riches ; les 2e au 20-40% des personnes un peu moins riches ; le 3e au 40-60% moyennement riches ; le 4e au 60-80% les plus pauvres et le 5e au 20% les plus pauvres. Ainsi, 14,3 % de la population totale atteinte de diabète se trouve chez les 20% les plus riches, soit une sous-représentation du nombre de PaD chez les plus riches. À l’inverse 23,5% des PaD se trouvent chez les 20% les plus pauvres, soit une surreprésentation de leur nombre. Autrement dit, le diabète touche plus les pauvres que les riches.