Valentine et Adrien sont en couple depuis 5 ans. C’est peu banal, ils sont tous les deux diabétiques de type 1 ! Leur diabète commun les rapproche-t-il, ou est-il au contraire un objet de complexité supplémentaire dans leur vie de tous les jours ? Plongée dans une histoire peu ordinaire et dans un quotidien… plutôt ordinaire, lui !
Comment votre couple s’est-il rencontré ? A cette question, Adrien répond du tac au tac : « à cause de la sonnerie d’une pompe qui n’avait plus de pile ! » En riant, il se souvient d’avoir pensé à ce moment-là : « ah, une pompe à insuline, ça commence bien ! » Valentine et Adrien étant équipés du même matériel, ce dernier avait « forcément » reconnu la sonnerie de l’appareil de la jeune femme. Une anecdote assez cocasse qui a marqué le début de leur relation amoureuse.
La situation du couple, pourtant, surprend aujourd’hui jusqu’à leur médecin. Ils consultent le même diabétologue, « et c’est vrai qu’on est le seul cas parmi ses patients », précise Valentine. En contact depuis un moment autour d’un projet commun dans leur milieu professionnel – « le truc le plus bête du monde », ricane Adrien – aucun des deux ne savait que l’autre était diabétique. C’est au tout début de leur relation qu’ils l’ont découvert… et que les questions ont commencé à se poser.
« Trop de diabète en plus du diabète… »
Selon Valentine, « c’était plutôt lui qui était réticent ». En effet, le fait que sa compagne soit diabétique n’a pas participé à l’attirer davantage, au contraire : « ça avait tendance à me faire fuir ». Pendant une longue période de sa vie, Adrien fréquentait beaucoup le milieu associatif, où il côtoyait de nombreuses personnes diabétiques. « Et c’est vrai que faire ma vie avec une diabétique, je n’en avais pas envie, tout simplement. Un peu trop de diabète en plus du diabète… poursuit-il. Mais voilà, ça s’est fait comme ça et maintenant ça dure depuis quelques années… »
« Un couple diabétique, ce sera plus facile ! »
Valentine au contraire ne connaissait pas de personnes atteintes par la maladie, et l’idée de rencontrer un diabétique lui était plutôt égale. Un an après le diagnostic de son diabète, elle a vécu une longue histoire, rendu compliquée par la présence du diabète dans le couple. Son amoureux supportait difficilement tout ce qu’implique le diabète au quotidien, notamment lorsque Valentine faisait des hypoglycémies. « Après cette histoire, j’avais un peu d’appréhension à l’idée de rencontrer quelqu’un, de devoir lui dire que j’étais diabétique, d’avoir à expliquer, à rassurer… » Alors quand elle a rencontré Adrien, elle s’est dit « que ça, au moins, ça ne poserait pas de problème : il ne posera pas de questions, ce sera plus facile », explique-t-elle entre quelques rires.
« Chacun gère son diabète »
« T’as fait ton bolus ? » voilà selon Valentine un exemple classique des styles d’échanges que le couple peut avoir autour du diabète. « En gros c’est plutôt ça. Pour le reste chacun gère son truc », répond Adrien en riant. Il s’agit plutôt de demander l’avis de l’autre quand il y a des « glycémies bizarres » ou des phénomènes qu’ils ont du mal à comprendre – « faudrait-il que j’augmente mon basal ? »
Adrien et Valentine parlent du diabète naturellement. Ils en parlent comme de n’importe quel autre sujet. Évidemment, il y a des périodes où ils en discutent plus que d’autres, « sans pour autant qu’il y ait de règle précise, nuance Adrien. Je sais qu’il y a des gens qui ont envie de se soutenir, de s’entraider en permanence. Nous non, on gère chacun de notre côté. Et puis quand on en a besoin on prend l’avis de l’autre, on s’aide. Mais ça s’arrête là. »
Adrien est sous pompe à insuline depuis plus longtemps que Valentine : plus de 14 ans pour lui, 9 ans pour elle. Il lui arrive donc de la conseiller sur l’utilisation de ses outils de gestion du diabète. « Il m’a pas mal coaché sur les options de la pompe », affirme Valentine. Adrien lui a aussi glissé quelques astuces pour mieux gérer son alimentation. Il est diabétique depuis 25 ans, par conséquent il est chevronné : « les traitements, les appareils – je vois toutes les options qui sont possibles. »
« Personne ne peut se douter qu’on est diabétique »
Au quotidien, « c’est facile », ils gèrent leur alimentation de la même manière : ils mangent de tout et sans se priver – « il y a peu d’aliments qu’on n’aime pas ». Ils ont beau avoir une histoire différente en ce qui concerne leur diabète, leur apprentissage de la maladie les a tous les deux conduits vers l’autonomie. La seule chose qu’ils ont du mal à gérer parfois, c’est la pizza ! mais ils partageaient dès le départ l’absence d’interdits alimentaire ou de régime*… « On mange équilibré car ça a toujours été notre philosophie. » Du coup lorsque Adrien et Valentine invitent des gens à dîner, « personne ne peut se douter qu’on est diabétique ! »
Pour le matériel, le couple, « c’est assez pratique ! »
Côté matériel, c’est assez raccord aussi. Excepté le cathéter, ils utilisent pratiquement le même matériel, ce qui leur facilite pas mal les choses. Depuis 2 ans ils ont aussi le même lecteur de glycémie, et peuvent se dépanner mutuellement pour les bandelettes. Quant à l’insuline, ils ont toujours eu la même…
Avec les cathéters en revanche, il leur est déjà arrivé de s’emmêler les pinceaux ! « Ouvrir un cathéter et s’apercevoir que ce n’est ni la bonne profondeur, ni la bonne longueur, ce n’est pas bon ! » Ces situations se produisent surtout lors de voyages ou d’excursions. Chaque année, ils font plusieurs randonnées à vélo et cherchent à se simplifier la vie au maximum. Ils regroupent donc tout leur matériel dans la même sacoche de vélo. Mais s’ils ne font pas attention à ce qui est écrit sur l’emballage des cathéters quand ils sortent les appareils, il peut leur arriver de prendre celui de l’autre. Ce qui n’arrive plus jamais à la maison, chacun ayant désormais son propre tiroir…
Enfants de deux diabétiques, deux fois plus de risques ?
Qui dit couple dit souvent désir d’enfant. Et en effet, Adrien et Valentine y pensent – « on aimerait bien », dit la jeune femme. Sur cette question, c’est Adrien « le plus angoissé des deux, pour la question de l’hérédité, qui n’est pas forcément réelle, mais j’ai le sentiment que ça augmente le risque. » Valentine est beaucoup moins préoccupée. Elle en a longuement parlé avec son diabétologue pour avoir son avis sur les facteurs de risque, et il a été très rassurant. Il n’y a de toute manière aucun moyen de faire un dépistage avant la naissance, mais on peut très bien avoir des marqueurs de risques et ne pas développer la maladie… Finalement, « on pourrait tous les deux ne pas être diabétique, avoir un enfant et que lui le devienne », philosophe-t-elle…
Une sagesse qu’elle résume d’une formule lapidaire : « Qu’on ait ça ou autre chose, voilà… » Et Adrien d’ajouter simplement : « Elle a raison. »
*Les modes de vies des interviewés n’engagent qu’eux-mêmes.
Cette article avait été publié une première fois, sous une forme légèrement différente, le 7 janvier 2017.
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