Les thérapeutiques alternatives et autres médecines parallèles ne se sont jamais aussi bien portées en France, malgré les assauts qui leur sont portés par les purs et durs d’une médecine strictement scientifique. Le diabète, bien entendu, n’échappe pas à la règle. Homéopathie, phytothérapie, acupuncture et pratiques mentales y trouvent une place grandissante. Les patients y voient notamment un moyen d’accompagner les traitements médicamenteux par une recherche de mieux-être. Entre les promesses parfois délirantes de certains acteurs du secteur et de véritables approches de bien-être qui aident les patients à surmonter la difficulté de leur vie quotidienne, nous avons tenté d’y voir clair. « La plante anti-diabète qui fait trembler l’industrie pharmaceutique » ! C’est avec cette accroche publicitaire tonitruante qu’un laboratoire spécialisé dans les compléments alimentaires et la « micro-nutrition » commercialise depuis plusieurs années ses gélules à la berbérine, une substance extraite de certaines plantes comme l’épine-vinette.
La berbérine, « star » des thérapies parallèles anti-diabète
Supposée améliorer la sensibilité à l’insuline et faire baisser le taux de glucose sanguin, elle est promue par de nombreux sites de la mouvance alter-santé. Elle y est généralement décrite comme un complément alimentaire, mais si certains de ses thuriféraires se contentent d’en recommander l’usage parallèlement au traitement médicamenteux afin de pouvoir en limiter les doses (metformine par exemple), d’autres recommandent purement et simplement de se lancer dans une cure pour pouvoir cesser les prises de médicament ! La berbérine, « star » des thérapies parallèles anti-diabète, n’est pas seule au monde. Le chrome, la nigelle, le romarin ; les cures thermales, l’acupuncture, le pouvoir de la pensée ; la sophrologie, l’hypnose, le régime paléo ; le végétalisme, les massages ayurvédiques, l’homéopathie… La liste, quasi infinie, est particulièrement baroque – et inclut des propositions parfois totalement contradictoires (paléo et végétalisme, par exemple). Elle réunit, pour qui veut prendre le temps de surfer sur Internet autour des mots-clés diabète et médecines alternatives, des dizaines de « solutions » proposées par des « thérapeutes » – parfois authentiques, parfois auto-proclamés – souvent aussi par des médecins, voire des professeurs de médecine. D’un côté donc, des professionnels de santé, mais aussi des industriels, des professionnels du marketing et de la communication, et des individus plus ou moins recommandables – guérisseurs autoproclamés, « experts » en plantes, masseurs, gourous… De l’autre, des patients désemparés par les scandales à répétition dans le monde du médicament, inquiets des lourds effets secondaires qu’ils constatent parfois, ou simplement séduits par la forte tendance sociétale qui porte les médecines naturelles, « douces », alternatives.
Le mythe de la guérison
Une tendance lourde de cette « communication alternative » autour des traitements parallèles est l’affirmation que « le diabète se guérit » – ou « pourrait se guérir ». Et si tel n’est pas le cas aujourd’hui, ce serait parce que les médecines allopathiques ont échoué à démontrer leur efficacité ! L’industrie pharmaceutique, notamment, est accusée de cacher volontairement le pouvoir de certaines plantes afin de préserver ses énormes bénéfices, et de maintenir les malades dans leur état pour leur vendre des médicaments toute leur vie… Charlatanisme ? Utilisation abusive de la crédulité de certains patients ? Ou mise en doute citoyenne de l’industrie, doublé d’une vraie capacité à accompagner les malades dans le soulagement de leurs angoisses, en complément du traitement administré par le diabétologue ? Les deux attitudes coexistent, bien entendu. On trouve de tout sur Internet. Et les malades, dans leur grande majorité, semblent ne pas s’y tromper. Leur usage des médecines parallèles est, de toute évidence, de nature essentiellement palliative. Soulager passagèrement les douleurs des neuropathies des membres inférieurs ; perdre plus facilement quelques kilos ; lutter contre les effets secondaires des traitements : tels sont les expériences que racontent les patients diabétiques sur les pages de réseaux sociaux dédiées à ces produits, ou dans les commentaires des articles des sites alternatifs – sans pour autant accorder foi aux promesses de guérison définitive par les plantes… C’est d’ailleurs plutôt vers des pratiques corporelles ou mentales – yoga, méditation, sophrologie – que semblent se tourner les adeptes de ces thérapies complémentaires, dans une démarche de recherche de bien-être.
Les personnes diabétiques se mobilisent pour informer
Certains, pourtant, semblent tentés par le caractère magique des traitements proposés, notamment en phytothérapie ou en aromathérapie. Et la violence de certains effets secondaires des traitements « classiques » les conduisent parfois à vouloir arrêter totalement les médicaments, et se lancer dans des voies exclusivement alternatives pour traiter leur diabète. Mais face à eux, des personnes diabétiques expérimentées se mobilisent, dans les forums santé et sur les réseaux sociaux, pour défendre l’idée que si ces approches peuvent avoir certaines vertus, elles ne doivent en aucun cas être mises en œuvre pour traiter la maladie ! Voici notamment, résumé en quelques formules saillantes, un échange particulièrement instructif tenu sur le forum du site de santé grand public Doctissimo : « Mon mari ne prend plus son traitement, trop d’effets secondaires… J’ai entendu parler d’un traitement homéopathique qui diminue le sucre dans le sang, Glycerinum 7CH… – Il n’existe aucun traitement homéopathique pour le diabète. Les publicités que vous avez vues sont des publicités mensongères… – Je pense qu’il y a des remèdes homéopathiques qui peuvent aider à faire baisser le sucre dans le sang ! J’ai un dictionnaire homéopathique écrit par un médecin ! – NON ! N’importe quel médecin te le confirmera ! – [autre intervenant] Je crois à l’homéopathie, que j’utilise couramment. Mais quelle folie de penser qu’on peut soigner le diabète avec ! C’est une maladie qui requiert un traitement de fond par un diabétologue… Plusieurs mois plus tard, la personne est revenue sur le forum raconter que le médecin homéopathe de son mari l’avait convaincu de retourner voir un diabétologue pour une nouvelle prise en charge.
Une approche complémentaire, pas une médecine de substitution
Cette approche, très caractéristique, s’inscrit plus globalement dans la relation complexe qu’entretiennent les Français avec les médecines douces. Malheureusement, très peu d’études récentes ont été consacrées à l’usage des médecines alternatives. Dans les trois dernières années, une seule enquête approfondie a été réalisé à ce sujet. Très généraliste, elle est le fait de medoucine.com, un magazine en ligne dédié aux médecines douces ; et elle n’accorde pas de place particulière aux traitements complémentaires utilisés par les personnes souffrant de maladies graves ou de pathologies chroniques. Elle n’en reste pas moins intéressante pour tenter de comprendre ce qui anime ces millions de patients « accros aux médecines douces », pour reprendre le titre d’un magazine grand public. Dans leur volonté de combiner harmonieusement médecine « scientifique » et soins naturels, les patients semblent chercher de plus en plus une approche « globale », une prise en charge totale impliquant le psychisme, le bien-être et la « forme » tout autant que le soin médical… Cette quête, qui conduit 58% des Français à avoir recours aux « médecines douces », se fait le plus souvent dans une perspective de complémentarité plutôt que de substitution. Sans que l’enquête le confirme, la fréquentation des forums montre que c’est particulièrement le cas dans une maladie aussi complexe que le diabète : la prise en charge médicale très lourde est parfois vécue comme déshumanisante, et les thérapeutiques alternatives semblent en mesure de l’adoucir un peu…
Ambiguïtés… et vente en ligne !
Toute l’ambivalence du regard que portent certains malades sur les thérapies alternatives est finalement résumé en une seule phrase, trouvée au détour du site diabetes-hebdo.com, défenseur de ces pratiques parallèles : « le pouvoir de la pensée permet de guérir… ou en tous cas, d’apporter des éléments pour un vivre mieux », affirme-t-il. Et d’énumérer la longue liste de méthodes qu’il prône, parce qu’elles « participent à ce mieux être en améliorant considérablement la vie des personnes qui souffrent de pathologies comme le diabète »… Après avoir fait le lit des théories anti-médicament, il admet implicitement (ou explicitement dans certaines de ses pages) qu’il n’existe pas à ce jour de traitement qui guérisse le diabète. Puis il transfère gentiment l’attention du lecteur vers ces pratiques complémentaires de bien-être… dont il assure la diffusion dans sa boutique en ligne ! Car les médecines parallèles constituent aussi un marché considérable, en très forte croissance… dont il serait dommage pour ses promoteurs de ne pas tirer profit .