La télémédecine suscite aujourd’hui de nombreux espoirs. Mais comme tout nouveau dispositif, elle génère également auprès des patients méfiance et réticences. Ces craintes sont essentiellement dues à un manque d’information.

Le Diabète LAB a interrogé Lina Williatte, avocate au barreau de Lille puis professeur de droit et Alexandre Mathieu-Fritz, professeur de sociologie à l’UPEM et chercheur au LATTS, afin qu’ils nous apportent leur éclairage juridique et sociologique sur ce nouveau dispositif de santé.

Un dispositif mal connu et beaucoup d’idées reçues

Peu développée en France, la télémédecine y est encore méconnue. Selon Lina Williatte, le grand public « ne sait pas trop comment la télémédecine fonctionne. Il s’en fait donc une certaine idée… qui n’est pas celle des textes de loi. »

Une bonne raison à cela : les dispositifs de télémédecine sont seulement en train de se mettre en place. Alexandre Mathieu-Fritz explique : « On est à peine en train de passer de la phase expérimentale à la phase d’institutionnalisation de la télémédecine. » Selon lui, il existe un écart important entre les représentations que l’on se fait a priori de la télémédecine et celles que l’on formule après avoir expérimenté une prestation. D’où la nécessité de faire connaître rapidement les actes de télémédecine et de les expliquer clairement aux patients.

D’importantes confusions subsistent souvent. De nombreux patients imaginent par exemple que la télémédecine, c’est « lorsque sur internet, on pose une question à un médecin et qu’il nous répond. Ça, ce n’est pas de la télémédecine ! C’est de l’e-santé, détaille Me Williatte. Et dans ce cas, je rejoins ce qu’en disent les patients : on n’est pas sûr de la personne à qui on s’adresse. On ne sait pas forcément qui elle est et on peut ainsi douter de ses compétences. »

Mais alors, la télémédecine, qu’est-ce que c’est ?

Selon le code de santé publique (art. L.6316-1), c’est « une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication. » Elle établit un lien entre le patient et un professionnel de santé à distance par le biais des télécommunications et des technologies. Cinq actes de télémédecine sont reconnus par la loi :

  • la téléconsultation : consultation à distance,
  • la téléexpertise : avis d’expert à distance entre professionnels de santé,
  • la télésurveillance :  suivi du patient à distance grâce à un dispositif médical,
  • la téléassistance médicale : assistance à distance d’un autre professionnel de santé,
  • la régulation médicale : réponse médicale par téléphone assurée par le SAMU/Centre 15.

Les textes qui encadrent la télémédecine et protègent les patients

Lors d’un acte de télémédecine, le patient dispose des mêmes droits que lors d’une consultation normale, « en vertu de la loi du 4 mars 2002 qui encadre la réalisation de l’acte médical », explique Maître Williatte.

Plusieurs textes complètent cette loi. Le décret du 19 octobre 2010 prévoit que le procédé de télémédecine s’inscrive dans un parcours de soin. « Le télémédecin doit être l’équivalent d’un médecin référent comme peut l’être le médecin traitant, mais celui-ci ne le remplace en aucun cas. Le télémédecin remplace ponctuellement le médecin traitant quand celui-ci n’est pas disponible, explique ainsi l’avocate. Le décret précise que le patient doit être informé du procédé de télémédecine par le médecin et a le choix d’y consentir ou non. Le médecin doit donc faire sa prise en charge classique, mais doit également informer sur le procédé de télémédecine qu’il va proposer afin de recueillir le consentement du patient. »

Lina Williatte ajoute que le patient doit être informé au préalable de l’identité et du titre du télémédecin : « On ne peut pas du jour au lendemain proposer un médecin à un patient alors que celui-ci n’en a pas la connaissance. » Toutefois, les textes de loi n’imposent pas une rencontre physique, cela peut se faire par visioconférence ou par téléphone.

La loi informatique et libertés de 1978 s’applique à la protection des données des patients. « Lorsque l’on traite de manière numérisée des données dites sensibles, elles doivent bénéficier d’une haute protection. »

S’y ajoutent enfin « les corps de texte de droit commun (pénal et civil), qui précisent notamment que les professionnels de santé qui gèrent de l’information médicale doivent garantir le secret professionnel vis-à-vis du patient », commente Lina Williatte.

La télémédecine, source de craintes…

Épaulés par ce solide encadrement législatif et réglementaire, que peuvent alors craindre les usagers ? Tant chez les patients que chez les professionnels de santé, le sociologue a d’abord observé la crainte d’une
« déshumanisation » de la relation soignant-soigné.

M. Mathieu-Fritz synthétise les propos de certains médecins : « Je pratique une médecine du face-à-face, je prends en compte l’entièreté de la personne, j’écoute sa vie, je la connais personnellement. » Les médecins craignent de perdre ce lien avec le patient qui permet aussi de soigner. Ils ont été formés à la démarche clinique en face-à-face, et doivent toucher le patient, le sentir, le voir de près… Parviendront-ils à reproduire à distance et à prolonger ce lien que leur offre la consultation en présentiel ? L’autre question que se posent les médecins est selon lui : « Est-ce que je vais pouvoir continuer à faire mon travail correctement ? »

… et d’espoirs !

Alexandre Mathieu-Fritz précise pourtant que selon lui, « la télémédecine peut parfois être plus humaine que la médecine en face-à-face. Tout dépend de la façon dont on conçoit et on organise les usages concrets. » Quels peuvent être alors les bienfaits de ces dispositifs ? « Avec la télémédecine, l’idée est d’abord de lutter contre les déserts médicaux, contre les inégalités d’accès aux soins et aux dispositifs de santé », déclare Alexandre Mathieu-Fritz.

Les patients et professionnels de santé qui ont testé un dispositif de télémédecine mettent aussi en avant sa praticité : « En dépit de leur âge, certains patients s’approprient le dispositif en quelques minutes. C’est un bénéfice pour eux car ils ne se déplacent plus. »

Enfin, « la télémédecine est considérée comme une solution par certains médecins dans le cadre des groupements hospitaliers de territoire qui visent à rationaliser l’offre de soins. » Et le sociologue rappelle également combien certains patients sont satisfaits de pouvoir parler directement à un expert au téléphone… De nombreuses pistes d’espoir à explorer, donc, ouverte par des pratiques encore balbutiantes mais à l’avenir certain !

 

Les propos des interviewés n’engagent qu’eux-mêmes.

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