Plusieurs études du Diabète LAB (encadré ci-dessous) menées entre 2017 et 2019 ont permis de recueillir des informations sur le vécu au travail des personnes diabétiques. Le constat général est qu’elles expriment assez peu leur souffrance ou leur mécontentement de leur vécu au travail avec le diabète. Elles s’accommodent des difficultés vécues au travail, comme celle de prendre son traitement. Elles peuvent aussi parfois bénéficier de situations positives, de soutien de leurs collègues par exemple, du fait de leur diabète. Néanmoins, leur confiance dans l’avenir est ébranlée ; et le diabète aggrave la situation des personnes déjà fragilisées au travail.

Les études à retrouver ici :

Parcours de santé des personnes diabétiques, étude par entretiens individuels.

Etude 2017

Diabète et qualité de vie, étude par questionnaire auprès de 12 566 répondants.

Etude 2018

Diabète et Travail, étude par questionnaire auprès de 3858 répondants.

Etude 2019

Voici les principaux résultats :

Une insatisfaction au travail plus forte que dans la vie personnelle

En 2018, dans l’étude Qualité de vie du Diabète LAB, les patients déclaraient moins bien vivre leur diabète au travail que dans la vie privée. La majorité des répondants ne cherchaient pas spécifiquement à cacher leur diabète, mais lorsqu’ils le faisaient, c’était presque exclusivement pour des raisons professionnelles. De plus, ils ne trouvaient pas suffisamment toutes les conditions de confort pour réaliser, sur leur lieu de travail, leurs soins, ou les faire dans la discrétion.

Des mécontentements modérés sur les difficultés quotidiennes vécues

Le constat de l’étude Diabète et Travail de 2019 est qu’il n’y a pas de différences notables dans le vécu du diabète au travail selon le type de diabète ou selon le type de traitement.

De plus, la vie au travail avec un diabète est très ambivalente. En effet, 80 % déclarent avoir rencontré au moins une difficulté au travail, liée à leur diabète, pendant les deux semaines qui ont précédé l’enquête. Mais dans le même temps, 70% déclarent avoir bénéficié d’au moins une situation positive au travail au cours des deux dernières semaines, et pour 32 % d’entre eux cela s’est manifesté par des signes d’acceptation ou de soutien de leur collègue, du fait de leur diabète.

Etude « Diabète et Travail »
Quelles difficultés et situations positives au travail avec un diabète au cours des deux dernières semaines ?

ont vécu une tension avec les ressources humaines / leur hiérarchie, et ont eu un échange bienveillant

se sont sentis mis à l’écart

ont eu un signe d’acceptation ou de soutien par leur collègue

18%

ont des difficultés à se libérer pour se rendre à un rendez-vous médical pour leur diabète

12%

n’ont pu aménager leur planning pour consulter un professionnel de santé pendant leur travail

ont pris leur repas au travail en pouvant tenir compte d’une alimentation adaptée

ont eu une difficulté à prendre leur traitement

ont bénéficié d’une facilité à prendre leur traitement au travail

De fortes craintes sur leur destin

En 2018, dans l’étude « Diabète et qualité de vie » les patients déclaraient que le diabète pouvait les freiner dans leurs projets d’avenir : 30% des personnes diabétiques avaient retardé ou renoncé à accepter un nouveau poste, de nouvelles responsabilités ou à créer une entreprise du fait de leur diabète.

L’étude Diabète et Travail de 2019 complète ces résultats, car elle montre que les motifs d’insatisfaction au travail sont très liés à leur représentation de l’avenir, à leur destin professionnel. En effet, seuls 30 % des patients déclarent avoir une grande confiance dans l’avenir avec leur diabète.

Cette étude montre également que les deux facteurs les plus associés à de plus grandes difficultés au travail et une confiance moindre dans son avenir professionnel sont le fait de ressentir de la fatigue au travail du fait de son diabète et d’avoir un niveau d’étude Baccalauréat ou BEP. Cette fatigue est précisément liée au fait que le diabète peut être éprouvant physiquement. Les patients expliquent que de devoir tout le temps penser à son diabète, d’être quotidiennement interrompu dans ses activités du fait de son diabète est aussi une fatigue, mais intellectuelle / cognitive cette fois.

Dans cette étude, les personnes avec une grande confiance dans leur avenir professionnel ont le niveau Bac +2 et plus, et ne ressentent pas une fatigue physique ou intellectuelle au travail du fait de leur diabète. Les personnes avec une faible confiance dans l’avenir professionnel avec leur diabète ont un niveau d’étude BEP ou Bac et ressentent une fatigue physique ou intellectuelle.

Un sentiment de discrimination existant

En 2018, 12% des personnes diabétiques avaient déjà ressenti de la discrimination au travail dont 23% parmi les personnes diabétiques de type 1. En 2019, sur l’ensemble des répondants, 85% se sentent traités de la même manière, 12% se sentent moins bien traités que des collègues aux mêmes fonctions et âges, 3% se sentent mieux traités. De plus, sur l’ensemble des répondants, 67% s’estiment aussi efficaces au travail que des collègues aux mêmes fonctions et âges, 27% se sont sentis moins efficaces, 7% plus efficaces.

Etude « Diabète et Travail »
Quel sentiment de discrimination ?

Les moins diplômés et qui déclarent être fatigués au travail sont aussi ceux qui ont le sentiment d’être moins efficaces, mais aussi moins bien traités que des collègues plus diplômés et non fatigués.

Parmi les personnes moins diplômées et qui déclarent être fatiguées au travail du fait de leur diabète :

se considèrent comme moins efficaces au travail et 14% moins bien traitées

Parmi les personnes plus diplômées et qui déclarent ne pas être fatiguées au travail du fait de leur diabète :

se considèrent comme moins efficaces au travail et 5% moins bien traitées

Le diabète aggrave la vie au travail des personnes déjà fragilisées

Cette tendance que révèle l’étude de 2019 d’un lien entre la crainte pour l’avenir et le niveau de diplôme est un constat que nous avions déjà fait en 2017. Cette dernière étude montrait que ce sont les personnes qui étaient déjà les plus fragilisées, car exerçant des métiers dits “précaires” (désignant un emploi qui présente trop peu de garanties d’obtenir ou de conserver dans un avenir proche un revenu “acceptable”), que le manque de confiance dans l’avenir professionnel avec leur diabète est le plus fort.

Ces personnes ressentent aussi des discriminations au travail. Elles craignent d’être stigmatisées par leurs collègues et leur hiérarchie, et que leur contrat de travail ne soit pas renouvelé. Ces sentiments entraînant un risque majeur pour leur santé, car certaines de ces personnes en venaient à arrêter leur traitement, craignant que la prise de leur médicament soit visible par leurs collègues.

Extrait de compte-rendu d’entretien

Exposer sa maladie fait assez peur à Monsieur M. Seuls son épouse, son frère et sa mère sont au courant. Monsieur M. souhaiterait plus de stabilité professionnelle, « en finir avec les petits boulots (…) avec des périodes d’essai à répétition », et avoir des temps de transport plus courts pour se rendre au travail. Il explique que la difficulté n’est pas de prendre le traitement, mais de devoir le dissimuler à ses collègues et ses supérieurs par crainte que son contrat ne soit pas renouvelé.

« J’ai du mal quand je suis au travail (…) Imagine on se réveille à 4h du matin, chacun amène son thermos, nous allons prendre le bus, je vais pas dire attends moi je prends les médicaments. Ce sont pas des cousins ». C’est ce qui l’a amené à plusieurs reprises, et sur plusieurs semaines, à arrêter son traitement oral, entraînant systématiquement une augmentation du nombre d’hyperglycémies qu’il faisait dans ses journées. Une prise de risque dont il dit avoir conscience. D’ailleurs, il a dû une fois partir en urgence de son travail pour rencontrer un médecin, tant « avec mes vertiges j’arrivais plus à travailler, parce que j’osais plus prendre mes comprimés ».