Mieux impliquer patients et professionnels de santé

Nous poursuivons avec ce second volet notre mini-série sur l’hypertension artérielle, facteur majeur de déclenchement ou d’aggravation du diabète. Les trois experts que nous avons rencontrés – le Dr Postel-Vinay, Jean-François Thébaut et François-Xavier Brouck – prolongent la réflexion autour de la prévention secondaire et de l’éducation thérapeutique du patient.

Diminuer la proportion de malades qui s’ignorent

Dès lors qu’une pathologie est déclarée, qu’il s’agisse du diabète ou d’une maladie cardiovasculaire, on entre dans une autre exigence, et une forme de prévention dite « secondaire » devient alors nécessaire. Il s’agit essentiellement de normaliser la maladie pour éviter ses complications. « Quand on traite le diabète, on traite l’hypertension ! s’exclame Jean-François Thébaut. Quand on normalise les chiffres d’hémoglobine glyquée chez une personne atteinte de diabète, elle rejoint l’espérance de vie des personnes normales », notamment par limitation du risque de complications cardiovasculaires.

La réciproque est tout aussi vraie. 25 % des personnes diabétiques ignorent qu’elles sont atteintes de la maladie, et celle-ci ne sera découverte qu’à l’occasion d’un accident – cardiovasculaire dans deux-tiers des cas. Mais pour les 50 % d’hypertendus qui, eux aussi, ignorent qu’ils souffrent de cette pathologie, il n’existe pas à ce jour de campagne de dépistage systématique. Dans les deux cas, le dépistage est uniquement opportuniste, et repose à la fois sur le patient et le médecin – ce dernier pouvant inciter à remplir un questionnaire « FindRisk » lorsqu’il juge opportun de vérifier l’existence d’un risque de diabète, ou un questionnaire « Score » lorsqu’il soupçonne le besoin de vérifier la présence d’un risque cardiovasculaire…

Il est donc crucial de dépister diabète et hypertension, afin de faire diminuer la proportion de malades qui s’ignorent ; puis de normaliser les deux pathologies, « à travers des traitements préventifs très proches les uns des autres et vertueux pour le système de santé » comme le rappelle le Dr Postel-Vinay.

Pour ce dernier, fort de sa longue expérience de prévention cardiologique à l’Hôpital Pompidou, la démarche globale passe par une simplification de l’éducation thérapeutique de la personne diabétique sur l’hypertension artérielle. « Pas besoin d’acte éducatif remboursé et médicalisé, s’exclame-t-il. Il faut simplement délivrer une information médicale simple, qui prend un quart d’heure, et qui consiste à vérifier qu’on sait bien mettre le brassard et qu’on est capable de lire la mesure ; en s’appuyant sur le site automesure.com, 70 % des personnes feront une mesure correcte ! »

Simplifier l’éducation thérapeutique du patient

Pour que cette démarche d’« éducation thérapeutique simplifiée » se mette en place avec efficacité, le relais des associations de patients est un précieux sésame. Il s’agit notamment de permettre des remontées d’information fiables de la part des personnes concernées, afin d’affiner les dispositifs de prévention et de les rendre plus efficients. La position du Dr Postel-Vinay sur le sujet est sans ambiguïté : « La recherche médicale en la matière a deux objectifs : s’assurer que l’autosurveillance se fait sur des outils validés ; et permettre l’« autotitration », c’est-à-dire permettre aux hypertendus d’adapter leur dose de médication. Les anciens modèles de prise en charge doivent évoluer, et les associations de patients doivent prendre toute leur place dans ces évolutions. Les personnes ont-elles envie de se prendre en charge ? Y sont-elles prêtes ? Le vécu, la perception du caractère « easy to use » de ces dispositifs d’autosuivi ne peuvent venir que des patients… »

« Mais contrairement au diabète, il n’y a pas d’associations de patients hypertendus ! prolonge Jean-François Thébaut. Et pour les maladies cardiovasculaires, l’association Alliance du Cœur rassemble plus de 30 associations liées à des pathologies différentes, qui n’ont pas les mêmes préoccupations. » Ce sont donc bien, selon lui, les associations de personnes touchées par le diabète qui doivent être en pole position dans la prévention de l’hypertension. « Le contrôle de l’hypertension artérielle est une porte d’entrée pour dépister le diabète », conclut le cardiologue.

« Il faut que les infirmiers et les pharmaciens s’emparent du sujet ! poursuit le Dr Postel-Vinay. Ils doivent s’intégrer dans les évolutions de la e-santé. Un pharmacien doit par exemple savoir interpréter les résultats d’automesure, et ne doit pas vendre des appareils non validés – ce qui est déjà plutôt le cas. Quant aux infirmiers, qui vont désormais avoir le droit de modifier les prescriptions, ces éléments de compréhension vont leur permettre de le faire en connaissance de cause… »

Les associations de personnes diabétiques en première ligne

Pour avancer sur ces questions étroitement liées du diabète et de l’hypertension artérielle, les pouvoirs publics se mobilisent de plus en plus en amont. Un groupe de travail a ainsi été constitué à la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) pour avancer sur le repérage, la prévention et la prise en charge des maladies cardiovasculaires. Il complète l’expérimentation de prévention du diabète « Dites non au diabète » chez les personnes à risques, prévue pour 5 ans.

« L’objectif, c’est de coupler une nouvelle approche de l’examen clinique et un quotidien du suivi de l’hypertension plus orienté vers l’automesure », appuie le Dr Postel-Vinay. « Mais ce qui est le plus important, conclut Jean-François Thébaut, c’est la force de frappe des associations de patients diabétiques : passer par la Fédération Française des Diabétiques pour sensibiliser à l’hypertension et aux maladies cardiovasculaires, c’est forcément une bonne idée… »

Le Dr Nicolas Postel-Vinay est médecin de l’unité d’hypertension artérielle de l’Hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP) à Paris. Spécialiste de la prévention et de l’éducation thérapeutique en cardiologie, il est le fondateur du site automesure.com.

Patient diabétique de type 2, Jean-François Thebaut a rejoint le conseil d’administration de la Fédération Française des Diabétiques en juin 2018 où il a la responsabilité de la prévention. Il apporte à la Fédération son expertise acquise durant ses vies professionnelles précédentes. Il a notamment été membre du collège de la Haute Autorité de Santé de février 2011 à avril 2017. Il a participé à la concertation de la Loi Santé 2016, sur les soins de proximité et la constitution des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé puis au comité de pilotage de la Grande Conférence de Santé en 2016.

François-Xavier Brouck est Directeur des Assurés à la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM).

Le premier article de notre mini-série sur cette thématique : 

Hypertension artérielle et diabète #1