Trois salariés atteints de diabète nous racontent des bribes de leur quotidien avec le diabète au travail… Quand on demande à Emmanuel, Martine et Frédéric, quelle est la première chose à laquelle ils pensent à l’évocation de « diabète et travail », chacun répond respectivement« possible, gestion, souffrance ». Alors qu’Emmanuel est diagnostiqué à huit ans, lui et ses parents entendent parler du diabète pour la première fois. Frédéric a été diagnostiqué diabétique au lycée et Martine a découvert son diabète il y a deux ans, lors d’un rendez-vous à la médecine du travail.
Ne pas dévoiler, voire cacher son diabète ?
Pour Emmanuel, le plus contraignant au travail, c’est le regard des autres. Il s’est longtemps senti jugé par les personnes qui le savaient malade. « La peur du jugement, la peur du handicap, même si la maladie n’est pas systématiquement grave, on a l’impression qu’on n’est pas pareil que les autres, donc on essaie de le cacher ».
Pour son premier emploi, Emmanuel a caché son diabète à ses employeurs et ses collègues pendant deux ans. Il faisait comme tout le monde et buvait même du « Coca Cola normal ! »,raconte-t-il. D’autant plus que c’était un emploi d’intérim, une raison de plus de cacher son diabète selon lui, « pour qu’il n’y ait pas de préjudices ou de discrimination ».
« Je me piquais dans les toilettes »
Quand cette même entreprise l’a embauché plus tard en CDI, il a continué de le cacher, même au médecin du travail. « Je me doute que c’est une mauvaise publicité, de dire qu’on est diabétique ». Ce secret a duré 10 ans. Le CDI lui a permis de se sentir plus en confiance et à force de travail, il a fait ses preuves, il n’affichait d’ailleurs pas plus d’absentéisme que les autres. Emmanuel se cachait constamment pour s’injecter de l’insuline, au restaurant ou au travail, « je me piquais dans les toilettes ». Tout acte lié à la piqûre était pour lui un acte « honteux », qui se rapportait à un « acte de drogué », c’est pour cette raison que la pompe à insuline a changé sa vie. Avec une petite télécommande, il peut désormais se sentir davantage comme tout le monde, l’acte est plus discret.
Ne pas le cacher, ou le dire très officiellement ?
Frédéric est au même poste depuis sept ans, en tant qu’ingénieur informatique, et il n’a jamais caché son diabète. Il explique que c’est la « toute petite » taille de la société qui l’a encouragé à parler de sa maladie. Dirigée par un « talentueux business man », Frédéric s’est rapproché de ce chef d’entreprise et s’est senti en confiance pour parler de son diabète.
Pour Martine, lors de la découverte de son diabète, elle a été hospitalisée et a informé son employeur, dès son retour, des risques hypoglycémiques et du traitement à appliquer dans ce cas. L’injection de glucagon est en effet un réflexe assez peu connu pour les personnes non sensibilisées à la maladie. A la cantine de l’entreprise, avant qu’elle ne s’équipe d’une pompe à insuline, Martine se piquait devant tout le monde sans que cela ne lui pose de problème. Elle ne se sent pas plus fatiguée qu’avant le diagnostic, c’est d’après elle son alimentation qui lui permet« de tenir la route ». Diabète et travail ne sont pas incompatibles selon elle, mais « chaque personne vit sa maladie différemment et il ne faut pas faire de généralités ! ».
Des outils qui facilitent la discrétion
Martine estime que les situations de stress au travail sont les seules choses un peu compliquées à gérer. Car certains symptômes peuvent être assez similaires à ceux d’une hypoglycémie. En faisant une présentation par exemple, « on est souvent un peu stressé, on transpire légèrement, on n’est pas bien, et parfois en panique devant un auditoire ». Ce n’est pas évident de tester sa glycémie à cet instant-là raconte-t-elle, pour savoir s’il s’agit du stress ou d’une hypoglycémie. C’est le seul moment où la maladie peut venir perturber le quotidien au travail. Et la piqûre au bout du doigt faisant sortir une goutte de sang n’est pas toujours socialement acceptée. Depuis qu’elle est équipée d’un dispositif de mesure en continu de glucose, c’est beaucoup plus simple pour mesurer sa glycémie discrètement.
Bien sûr, la question de révéler ou non sa maladie n’est qu’une des problématiques auxquelles peuvent être confrontées les personnes diabétiques dans leur milieu professionnel. Martine explique très bien un des autres aspects compliqué. Lorsque parfois les collègues« l’embarquent au restaurant c’est la catastrophe, car on se laisse tenter sur le moment », du coup il lui arrive de prendre un dessert. Autrement elle marche environ 3 à 5 km quotidiennement en se déplaçant dans le bâtiment. Elle part souvent en réunion une à deux heures, ce qui l’oblige à avoir du sucre sur elle. « Parfois je l’oublie, donc je retourne dans mon bureau » où elle laisse toujours du matériel dans le coin d’un tiroir. Le travail peut parfois permettre d’oublier la maladie, mais quand de nombreuses situations viennent rappeler sa présence, il est compréhensible que toutes les personnes diabétiques aimeraient avoir le soutien de leurs collègues et managers…
« J’ai de vraies informations, (…) j’ai le moyen de prendre de vraies décisions »
Dans le monde du travail, Emmanuel pense qu’il faut d’abord faire ses preuves pour ensuite pouvoir parler de son diabète. « J’en connais trop qui veulent profiter du diabète… ». Frédéric n’a « jamais vécu la stigmatisation à cause du diabète », par contre il a vécu l’absence de prise en compte de la maladie dans le milieu professionnel. Selon lui, avec la technologie d’aujourd’hui, comme les capteurs des lecteurs de glucose en continu, « on peut tout faire ». Depuis il n’a « plus l’impression de jouer au casino » avec sa vie, « j’ai de vraies informations, je sais ce qu’il se passe la nuit, j’ai le moyen de prendre de vraies décisions ». Martine, Emmanuel et Frédéric s’accordent sur ce point, ces nouveaux dispositifs leur offrent « un meilleur contrôle de leur diabète et non pas une vie contrôlée par le diabète ! ».
Découvrez la suite des témoignages d’Emmanuel, Frédéric et Martine :