Le diabète bouleverse la vie des patients. Parfois de façon positive : découverte de soi, relations plus fortes avec son environnement ; souvent plus négativement : contraintes médicales qui pèsent sur le quotidien, inquiétudes qui entachent la joie de vivre, vie familiale et affective chamboulée… Mais il est un bouleversement qu’on évoque rarement : celui du budget, grevé par les dépenses de santé qu’induit la maladie. En effet, même si le malade est pris en charge à 100% par la Sécurité Sociale, vivre avec le diabète entraîne des dépenses périphériques souvent difficiles à assumer. Julie, 52 ans, diabétique de type 2, et Clotilde, 48 ans, mère d’un garçon diabétique de type 1, nous font partager leur difficulté à gérer un budget drastiquement amputé par les dépenses directement ou indirectement liées à la maladie.

Comment continuer à vivre normalement lorsque le diabète s’invite dans le quotidien de la famille ? Comment les priorités, notamment budgétaires, se voient-elles redistribuées ? C’est ce qu’a tenté de comprendre l’équipe du Diabète LAB en rencontrant Julie et Clotilde.

De nombreuses dépenses de santé additionnelles

Même si leur budget n’est pas forcément des plus serrés, Julie et Clotilde pointent en premier lieu les dépenses de santé « périphériques », induites par la maladie – même si la première le vit comme un sacrifice, contrairement à la seconde qui y voit plutôt le choix de privilégier son confort de vie.

Le fils de Clotilde utilise le dispositif Dexcom (système de mesure continue du glucose) : onéreux et – au moment de notre échange avec elle – pas encore remboursé par la Sécurité Sociale. « On s’en sort, on gagne bien notre vie… Mais quatre cents euros, c’est énorme quand même ! » Grâce à ce dispositif pourtant, Clotilde est rassurée de savoir qu’elle peut partir travailler sans être terrifiée à l’idée que son fils fasse un malaise. Cette sérénité vaut tous les sacrifices pour cette maman inquiète : « On a connu deux malaises, pour rien au monde on n’arrêtera ce système ! » Son fils ne ressentait plus les hypoglycémies et il fallait coûte que coûte trouver une solution, même si cela devait impacter leur budget mensuel : « On gère d’abord le diabète, on ne pose pas de question : c’est la priorité dans notre budget. »

Elle reconnaît que la prise en charge de nombreuses dépenses est assurée : « Chez l’ophtalmologue par exemple, c’est vrai que j’avance la consultation, mais la mutuelle prend le relais, on n’a pas de frais. L’hôpital, c’est pareil, la maladie est plutôt bien prise en charge. Ce sont tous les à-côtés qui pèsent lourd… » Clotilde explique ainsi qu’outre le prix du Dexcom, qu’elle juge excessif, les dépenses additionnelles liées à l’utilisation de ce dispositif sont nombreuses : les patchs, les pansements pour aller à la piscine, etc.

Une alimentation plus coûteuse induite par le diabète

De son côté, Julie ne connaît heureusement pas de complication grave liée à la maladie. Mais elle estime que, malgré tout, maintenir un diabète équilibré affecte sensiblement son budget. Il lui est en effet recommandé de manger sainement, de soigner sa peau, et ces exigences sont onéreuses : « J’ai des problèmes de peau, il faut acheter des produits, des crèmes… tout ça a un coût. »

Mêmes contraintes du côté de son alimentation : si elle veut éviter le passage à l’insuline, Julie doit faire attention à tout ce qu’elle consomme. « Si on n’était pas diabétique, je pense qu’on mangerait moins de fruits et légumes frais », note-t-elle par exemple. Et pas question de penser que Julie cède à une quelconque mode du « détox » : ces produits frais, qui représentent pour elle un surcoût non négligeable, lui sont réellement indispensables à cause de son diabète. De surcroît, la recherche de ces denrées saines à un prix acceptable lui prend beaucoup de temps : elle doit sans cesse comparer réductions et offres promotionnelles dans les magasins où elle a ses habitudes…

Elle évoque également les dépassements d’honoraires, pratiqués notamment par les spécialistes, dépassements qu’elle juge souvent excessifs. Ils donnent lieu à des tailles d’autant plus sévères dans son budget qu’en tant que malade chronique, elle se rend plus souvent chez le médecin que la moyenne de la population. Un souci que rencontre aussi son mari qui a été plusieurs fois opéré des artères : « Quand vous avez des opérations à trois ou quatre cents euros de dépassements, là, ça devient vraiment très difficile… »

Une prise en charge insuffisante par la Sécurité sociale

Ces dépenses excessives liées à la maladie mettent aussi Clotilde très en colère. Elle estime anormal que ces dispositifs, indispensables pour de nombreux malades, ne soient pas remboursés par la Sécurité Sociale… Et elle cite volontiers le système Dexcom que son fils utilise, et dont la famille ne peut plus se passer : « C’est vraiment le meilleur ! J’espère qu’il sera remboursé un jour, cela allégerait tellement mes dépenses… »

Elle s’insurge également quant à l’aide qu’elle pensait recevoir de la Maison Départementale des Personnes Handicapés (MDPH) : elle lui a été refusée car le taux d’incapacité de son fils n’est « pas assez élevé » ! « Certaines personnes ont cette aide, d’autres ne la perçoivent pas… On ne comprend pas les critères d’attribution alors que c’est le même diabète pour tout le monde. On a envoyé un courrier pour obtenir des explications, on attend toujours la réponse… »

Obligés de toujours anticiper les dépenses de santé

Julie et son mari, quant à eux, n’utilisent pas de dispositifs qui ne sont pas remboursés. Mais cela n’empêche pas Julie de dénoncer les nombreuses défaillances du système de santé. Elle estime que les personnes souffrant de pathologies comme le diabète devraient pouvoir se soigner chez certains spécialistes sans avancer de frais. « Moi, ce que je voudrais bien, c’est qu’on n’ait pas à avancer l’argent ! Il faut payer avant, il faut donc calculer tout ça. Même si on est remboursé, cela prend du temps, ce n’est pas immédiat. Si c’est cinquante euros la consultation, on va certes être remboursé de cinquante euros mais ça sera peut-être dans plusieurs semaines… et le budget du mois en prend un coup. On a énormément de dépenses de santé, et il faut toujours anticiper. On ne peut pas laisser la place à l’imprévu, tout est calculé au plus juste. Certains mois, tout se passe plutôt bien, on arrive à gérer… et puis il y a des mois où le dépassement peut aller jusqu’à cinq cent euros. Si l’on n’a pas fait de concessions au préalable pour mettre de l’argent de côté, c’est la catastrophe. »

Désormais Julie et son mari ont adopté cette attitude préventive face à toutes nouvelles dépenses de santé : quand ils se rendent chez l’opticien par exemple, ils demandent en premier lieu le niveau de remboursement et ne dépassent jamais le montant. Leur budget santé a atteint son seuil maximal, ils ne peuvent supporter aucun écart…

 

Les propos des interviewés n’engagent qu’eux-mêmes.

D’autres articles qui pourraient vous intéresser :