Étude quantitative sur les besoins des personnes atteintes d’un diabète de type 1 et de type 2 en services et produits non ou mal remboursés
En France, environ 4 000 000 de personnes sont prises en charge pharmacologiquement pour un diabète.
Le diabète, qu’il soit de type 1 ou 2, est reconnu comme une Affection de Longue Durée (ALD). À ce titre, un grand nombre de consultations avec divers professionnels de santé, d’examens et de traitements associés à sa prise en charge sont intégralement remboursés par l’Assurance Maladie. C’est notamment le cas des visites médicales effectuées avec le médecin traitant et/ou le diabétologue, des examens de surveillance nécessaires pour les personnes atteintes de diabète (par exemple : HbA1C, bilan rénale, fond de l’œil, ECG, bilan lipidique, etc.) ou des traitements médicamenteux comme les antidiabétiques oraux ou les traitements injectables.
Bien que l’ALD permette de limiter la majorité des dépenses de santé associées à la prise en charge du diabète, certains actes ou traitements sont en partie ou en totalité à la charge des personnes diabétiques. Une précédente étude qualitative du Diabète LAB avait notamment mis en exergue le coût associé à l’absence de remboursement de l’Activité Physique Adaptée (APA), des consultations avec un diététicien/nutritionniste ou encore avec un professionnel de la santé mentale (par exemple : psychiatre, psychologue, psychothérapeute). Les personnes interrogées avaient également fait remonter les difficultés de remboursement des soins associés aux complications du diabète, en particulier des soins podologiques et dentaires.
Afin de compléter les résultats de cette première étude, le Diabète LAB de la Fédération Française des Diabétiques, en collaboration avec AXA Partners, a réalisé une étude quantitative sur les besoins des personnes atteintes d’un diabète de type 1 ou 2 en services médicaux et produits non ou mal remboursés.
Si nous ne présentons ici qu’une synthèse des résultats, cette étude permet de mieux comprendre les besoins des personnes atteintes d’un diabète (paDT) en services de santé et produits ainsi que de mieux évaluer le coût économique de la vie avec un diabète. Ces informations pourraient notamment être mobilisées par la Fédération Française des Diabétiques dans son plaidoyer auprès des autorités et instances sanitaires comme la Haute Autorité de Santé (HAS).
Méthodologie
Un questionnaire, coconstruit avec des personnes atteintes de diabète, a été diffusé entre avril et mai 2022 par la Fédération Française des Diabétiques. Dans cette synthèse, nous présentons les résultats relatifs aux principaux services de santé, puis aux principaux produits de santé. Ceux-ci sont classés par ordre d’importance en fonction des résultats relatifs :
- Au recours aux services et produits de santé au cours des 12 derniers mois.
- Au coût de ces services et produits de santé au cours des 12 derniers mois après remboursement par l’Assurance Maladie et la mutuelle.
- À importance du remboursement des services et produits de santé.
- Au non-recours aux services de santé en raison de leur prix.
Résultats
Caractéristiques des répondants
Les réponses de 3 161 paDT ont été analysées. Les personnes diabétiques de type 1 (paDT1) étaient 1 157 (37%) et les personnes diabétiques de type 2 (paDT2), 2004 (63%). Il y avait 65% de femmes chez les paDT1 et 54% chez les paDT2. L’âge moyen des paDT1 était de 50 ans et celui des paDT2 de 64 ans. Les revenus étaient similaires entre les paDT1 et paDT2 (44% avaient un revenu inférieur à 1800 euros, 43% un revenu supérieur à 1801 euros et 13% ne souhaitaient pas répondre).
Les paDT1 étaient 60% à utiliser une pompe à insuline et 40% à utiliser un stylo à insuline. La grande majorité d’entre eux (87%) utilisaient un Capteur de Glucose en Continu (CGC).
Les paDT2 étaient 50% à être traités par insuline. Environ la moitié d’entre eux (54%) utilisaient un lecteur de glycémie capillaire, 31% un CGC et 14% aucun dispositif de mesure de la glycémie. Les répondants étaient 45 % à déclarer avoir un diabète équilibré, 50 % à avoir un diabète mal équilibré et 5% à ne pas savoir si leur diabète était équilibré.
Focus sur les différents services de santé non ou mal remboursés au cours des 12 derniers mois
Soins dentaires
Les soins dentaires sont sans conteste ceux qui concernent et impactent le plus les paDT1 et les paDT2. Le diabète « favorise » l’apparition de caries, de gingivites (inflammation bactérienne de la gencive) ou encore de parodontites (accumulation de tartre au niveau de la gencive pouvant, à terme, entraîner la perte des dents). Dans la mesure où le diabète ne représente « qu’un » facteur aggravant la santé buccale, une partie des soins dentaires n’est pas comprise dans l’ALD.
Les répondants étaient environ 85 % à déclarer avoir consulté un dentiste au cours des 12 derniers mois. Le coût moyen des soins dentaires après remboursement était de 400 euros. Environ 33 % des personnes qui n’ont pas consulté de dentiste déclaraient ne pas l’avoir fait pour des raisons économiques. Le remboursement de ces soins était considéré comme extrêmement important par les participants (9,2/10).
Soins podologiques
Les soins podologiques sont également primordiaux. En effet, le diabète peut diminuer la sensibilité des membres inférieurs et rendre la cicatrisation plus difficile. En conséquence, une blessure au pied peut s’infecter sans que celle-ci ne soit sentie par les paDT. C’est pourquoi il est essentiel que les pieds soient surveillés et, le cas échéant, traités. Toutefois, le remboursement de ces soins est soumis à des conditions de gravité et limité à 8 séances par an dans les cas les plus graves. La consultation d’un pédicure-podologue peut aussi donner lieu à la prescription de semelles orthopédiques permettant, entre autres choses, de prévenir l’apparition de blessures sur le long terme. Cependant, celles-ci sont généralement faiblement remboursées.
66 % des répondants déclaraient avoir consulté un pédicure-podologue au cours des 12 derniers mois. Le coût moyen des soins podologiques, après remboursement, était de 78 euros. Un tiers de la population possédait des semelles orthopédiques. Leur coût financier annuel moyen (coût de la paire de semelles après remboursement divisé par le nombre d’années d’utilisation) était de 111 euros. Environ 20% des personnes qui n’ont pas rencontré de pédicure-podologue ont indiqué ne pas l’avoir fait pour des raisons économiques. Le remboursement de ces soins ainsi que des semelles orthopédiques était considéré comme extrêmement important (9,2/10).
Diététique / nutrition
S’il est généralement bien connu que la nutrition est un des piliers de la prise en charge du diabète de type 2, celle-ci est également importante pour le diabète de type 1. L’insulinothérapie fonctionnelle, c’est-à-dire l’adaptation de la quantité d’insuline injectée en fonction de l’alimentation et de l’activité physique, nécessite d’excellentes connaissances nutritionnelles. Pourtant, la consultation d’un diététicien et/ou d’un nutritionniste n’est généralement pas remboursée dans le cadre de l’ALD.
60% des participants déclaraient avoir consulté un professionnel de la diététique et/ou de la nutrition au cours des 12 derniers mois. Le coût financier annuel moyen était de 83 euros. Environ 34% des paDT qui n’ont pas consulté de diététicien et/ou de nutritionniste déclaraient ne pas l’avoir fait pour des raisons économiques. Le remboursement de ces soins était considéré comme extrêmement important (8,6/10).
Les soins de santé mentale
Le diabète est susceptible de générer du stress et de l’anxiété, voire des syndromes dépressifs. Le diagnostic et l’évolution de la maladie peuvent être à l’origine d’une mauvaise acceptation du diabète et donc d’une plus grande difficulté à gérer les bouleversements induits par la maladie. Cela entraîne également des changements importants au sein de l’environnement familial et professionnel. Les traitements, médicamenteux et non médicamenteux, peuvent être considérés comme contraignants et chronophages pour les patients. Enfin, les complications sont, pour beaucoup de paDT, une épée de Damoclès. Pourtant, à l’exception du dispositif « Mon Psy », mis en place récemment par le gouvernement – avec un bilan en demi-teintes pour le moment -, les soins de support de santé mentale ne sont pas couverts par l’ALD.
25% des répondants déclaraient avoir eu recours aux services d’un professionnel de la santé mentale au cours des 12 derniers mois. Le coût financier annuel moyen était de 256 euros. Environ 16 % des personnes qui n’ont pas consulté de professionnel de santé mentale déclaraient ne pas l’avoir fait pour des raisons économiques. Le remboursement de ces soins était considéré comme extrêmement important (7,2/10).
L’Activité Physique Adaptée (APA)
Pourtant considérée comme un pilier de la prise en charge du diabète de type 2 et comme facteur de prévention du développement et de l’évolution de la plupart des complications du diabète, l’APA se classe en dernière position des services de santé utiles aux yeux des patients atteints d’un diabète.
Seuls 10% des paDT rapportaient avoir consulté un professionnel de l’APA au cours des 12 derniers mois. Le coût financier annuel moyen était de 221 euros. Environ 13% des paD qui n’ont pas consulté de professionnels de l’APA déclaraient ne pas l’avoir fait pour des raisons économiques. Le remboursement de ces soins était considéré comme important (8,0/10).
Focus sur les différents produits de santé non ou mal remboursés au cours des 12 derniers mois
Accessoires pour les dispositifs de mesure de la glycémie
Bien qu’il ne soit a priori pas nécessaire d’acheter d’accessoires pour les dispositifs de mesure de la glycémie, qu’il s’agisse de lecteurs de glycémie capillaire ou CGC, certaines dépenses peuvent faciliter la vie des paDT. Il peut s’agir de housses de transport, de brassard de maintien pour les capteurs ou encore de bandelettes supplémentaires pour les lecteurs de glycémie capillaire.
53% des répondants déclaraient avoir acheté un accessoire pour leur dispositif de mesure de la glycémie au cours des 12 derniers mois. Le coût financier moyen était de 97 euros. Le remboursement de ces accessoires était considéré comme très important (9/10).
Accessoires associés au traitement par insuline
Ces accessoires concernent, de fait, uniquement les paDT traitées par insuline (tous les paDT1 et certains paDT2). Il peut s’agir de housses de transport isotherme pour les stylos d’insuline, de petites glacières pour les longs trajets d’été, de pochette pour pompe à insuline, mais aussi de désinfectant et de tout le petit matériel du quotidien.
41% des participants rapportaient avoir acheté un accessoire pour leur traitement par insuline au cours des 12 derniers mois. Le coût financier moyen était de 71 euros. Le remboursement de ces accessoires était considéré comme très important (8/10).
Conclusion
Bien que l’ALD permette de limiter la majorité des dépenses de santé associées à la prise en charge du diabète, cette étude a permis de mettre en évidence les dépenses supplémentaires qui incombent aux personnes atteintes de diabète (paDT).
Parmi les services de santé peu ou mal remboursés, trois se distinguent particulièrement : les soins dentaires, les soins podologiques et la diététique / nutrition. Une meilleure prise en charge des soins dentaires serait, sans conteste, ce qui impacterait le plus grand nombre de paDT, diminuerait le plus les dépenses des paDT et permettrait de limiter le non-recours pour des raisons économiques. Ensuite, une meilleure prise en charge des soins podologique, y compris des semelles orthopédiques, pourrait également avoir des impacts positifs sur le budget des paDT ainsi que sur la santé de leurs pieds. Enfin, la prise en charge d’au moins une consultation avec un diététicien / nutritionniste pourrait également soulager les paDT, mais aussi favoriser l’adaptation du diabète et de l’alimentation. Si les accessoires participent également au coût de la maladie, leur impact qu’il s’agisse du prix ou du nombre de personnes concernées semble moindre.
Auteurs : Nicolas Naïditch, Coline Hehn.
Remerciements : Toutes les personnes qui ont accepté de participer à cette étude
Liens d’intérêt : Cette étude a été réalisée avec le soutien financier d’AXA Partners.