Dans le cadre de la gestion des maladies chroniques comme le diabète, le sport et l’activité physique sont généralement perçus uniquement par rapport à leurs effets sur le corps et la maladie. Mais ces pratiques vont bien au-delà de ces aspects biomédicaux, et engagent les personnes dans des processus complexes. Les sciences humaines et sociales permettent d’apporter un regard différent sur ces sujets, en soulignant l’importance des déterminants à la pratique, et la nécessité de prendre en compte les attentes et les besoins de chaque personne, notamment atteinte de diabète.

De quoi parle-t-on, sport ou activité physique ?

Les effets de l’activité physique ne sont plus à démontrer dans la prise en charge de nombreuses maladies chroniques, dont le diabète. De nombreuses initiatives se développent pour promouvoir et encadrer des séances de sport et d’activités physiques à destination de personnes atteintes de maladies chroniques, qui se regroupent aujourd’hui sous le terme de « sport-santé ». Mais il existe en réalité une multitude de façons de faire de l’activité physique, qui dépendent des professionnels qui encadrent les séances, du type de pratique qui est proposé, de l’intensité des séances, etc.

Il important dans un premier temps de distinguer le sport et l’activité physique qui se trouvent sur des registres très différents. Le sport fait référence à des pratiques encadrées par des règles précises, et qui mettent en avant les notions de compétition, de classement entre individus et de dépassement de soi. L’objectif est de produire des chiffres sous la forme de scores qui permettront de désigner un gagnant et un perdant, ou de classer les individus du meilleur au moins bon. L’activité physique se réfère avant tout au fait d’être en mouvement, en réalisant une activité qui peut être d’une intensité faible, modérée ou intense.

Tous les sports n’impliquent pas forcément de faire de l’activité physique, comme l’eSport (le sport électronique) ou les échecs par exemple qui ne demandent pas de faire de mouvement, outre le fait de déplacer des pièces sur un échiquier. De même, toute activité physique n’implique pas nécessairement de faire du sport, et d’être dans un cadre de compétition et de dépassement de soi. Par exemple, une pratique comme la marche nordique rend possible la découverte d’un espace naturel ou d’un parc en réalisant un parcours tout en profitant de la nature. Elle est également propice aux échanges et aux discussions, que ce soit entre personnes vivant avec le diabète, ou avec un encadrant permettant une sensibilisation et une éducation à la santé. Elle peut se réaliser au rythme de chacun, dans tout type lieu, et devenir ainsi l’occasion de découvrir ou redécouvrir des espaces près de chez soi.

Tous ces aspects font de la marche nordique une activité favorisant le bien-être, l’échange, et la découverte. L’activité physique n’est donc plus une fin en soi uniquement dans le but d’améliorer des normes biomédicales (équilibre glycémique, tension, rythme cardiaque, etc.), mais devient dans ce cadre un levier pour d’autres dimensions comme l’éducation à la santé, ou pour renforcer l’alliance thérapeutique avec un professionnel encadrant. C’est précisément par ce biais-là qu’une pratique a le plus de chance de se pérenniser, lorsqu’elle devient l’occasion d’un échange qui vient renforcer le lien social.

Les inégalités sociales d’accès aux activités physique et sportives

Chaque personne est différente par rapport à ses envies, ses ressources et son histoire vis-à-vis du sport et de l’activité physique. Par exemple, nous n’avons pas tous connu la même socialisation au sport et à l’activité physique durant l’enfance. Certains ont ainsi été initiés par leurs parents à différentes pratiques dans des cadres favorisant l’apprentissage, le plaisir et le développement de leurs potentialités. Pour d’autres, le sport est associé à de mauvais souvenirs, que ce soit à l’école ou dans des cadres familiaux trop contraignants ou culpabilisant, et devient ainsi un repoussoir. Mais ce n’est pas parce qu’une personne a connu une mauvaise expérience avec le sport qu’elle ne pourra pas apprécier le fait de pratiquer une activité physique ! Il est donc essentiel de s’adapter à chacun selon ses envies, et en respectant son point de vue, ses représentations et son histoire.

En plus de ces différences, il est important de rappeler que des inégalités sociales viennent entraver pour certaines personnes la possibilité de pratiquer les activités qu’elles souhaitent. Chaque pratique a un coût, et nous n’avons pas tous les mêmes ressources à dépenser à cet égard. Pour les personnes les plus précaires, l’argent nécessaire pour s’acheter un équipement, pour se déplacer, et éventuellement pour payer un abonnement est loin d’être négligeable, et peut représenter un vrai frein. De plus, d’importantes inégalités existent selon les lieux d’habitation. Pour ceux vivant dans des zones géographiques éloignées des villes et des grands centres sportifs, la pratique est d’autant plus compliquée et l’offre restreinte, limitant ainsi l’accès et les possibilités. Ces inégalités dans l’accès aux activités physiques et sportives sont d’autant plus importantes dans le cas du diabète qui touche davantage les personnes en situation de précarité.

Le sport est le meilleur médicament… vraiment ?

Il est courant d’entendre dans des discours ou de lire dans des articles que le sport et l’activité physique seraient les meilleurs médicaments, étant donné leurs effets positifs sur le corps, pour la prévention et dans la lutte contre de nombreuses maladies. Mais est-ce aussi simple, et peut-on réellement faire une comparaison de ce type ? Le terme de médicament induit l’idée d’une prise facile qui ne demande a priori pas d’effort particulier. Il s’agit d’un geste anodin qui relève d’un choix et dont il faut simplement se souvenir. Mais le sport et l’activité physique ne peuvent se comparer au fait de prendre ou non une substance, car il s’agit de processus qui engagent les personnes dans des dynamiques sociales et psychologiques complexes.

Le fait de pratiquer ou non une activité physique ou un sport n’est donc pas aussi simple, mais dépend de l’histoire, des ressources et des envies de chaque personne. La comparaison avec un médicament risque alors d’avoir un effet « indésirable », en induisant l’idée qu’il s’agit simplement d’un choix que chacun peut faire. Ceux qui n’y parviennent pas risquent ainsi de culpabiliser en pensant qu’il s’agit uniquement d’une question de motivation dont ils auraient manqué, et qu’il s’agit seulement de leur faute. Le fait de ne jamais évoquer les déterminants qui conditionnent la possibilité de pratiquer une activité physique ou sportive peut donc avoir un effet sur l’estime de soi des personnes vivant avec une maladie chronique qui ne parviennent pas à en faire pour diverses raisons.

Alors évitons de culpabiliser les personnes qui ne souhaitent pas ou ne veulent pas pratiquer des activités physiques et sportives ! Accompagnons les dans leur parcours de santé, informons-les sur les risques de la sédentarité et les bénéfices du fait de bouger davantage, mais sans injonction et sans faire peur. Et n’oublions pas que la promotion des modes de vies plus actifs passe avant tout par de véritables politiques structurelles, pour les rendre accessibles à tous de manière équitable. Car être atteint d’un diabète implique déjà une gestion chronophage au quotidien, entre les traitements à prendre et l’alimentation à contrôler. Si à ce fardeau conséquent de la maladie s’ajoute la pression pour bouger au quotidien, mais sans avoir les ressources pour le faire, c’est la santé mentale qui s’en trouvera impactée.

Auteur : Arnaud Bubeck