Nuvee : un nouveau programme d’Education Thérapeutique du Patient numérique (e-ETP) pour les personnes atteintes de diabète
Le projet d’e-ETP Nuvee a été lauréat du concours d’innovation de Novo Nordisk organisé en 2020. Conçu par le Médecin Nutritionniste Cyril Gauthier et son équipe, Nuvee a pour ambition d’améliorer l’accès des personnes atteintes de diabète à l’ETP. Le Diabète LAB de la Fédération Française des Diabétiques a été sollicité afin d’évaluer les retours des premiers utilisateurs. Comme vous le verrez, cette collaboration est une belle histoire qui met en exergue l’importance d’associer les patients à la création des solutions qui leur sont proposées.
Mais qu’est-ce que l’ETP exactement ?
L’ETP, ou Education Thérapeutique du Patient, cherche à proposer des clés de compréhension d’une pathologie et proposer des réflexions sur des stratégies d’adaptation au quotidien pour les personnes vivant avec une maladie chronique telle que le diabète de type 1 (DT1) ou de type 2 (DT2). L’ETP se déroule soit dans l’environnement hospitalier, soit associatif, en petits groupes ou bien de façon individuelle, avec des professionnels de la santé ainsi que des patients. Le programme de l’ETP est défini en amont lors d’un diagnostic éducatif puis est personnalisé selon le profil du patient et de ses attentes.
Si aujourd’hui l’ETP a montré qu’elle pouvait être bénéfique pour les patients vivant avec une maladie chronique, notamment dans l’autonomie, la gestion quotidienne de la maladie ou encore la compréhension de ses symptômes, certaines améliorations organisationnelles pourraient en faciliter l’accessibilité. Les séances d’ETP peuvent être éloignées du domicile des patients et être réalisées à des heures peu pratiques pour des raisons professionnelles ou familiales créant ainsi une inégalité d’accès. L’offre d’ETP reste relativement faible, au point qu’il peut être difficile d’en bénéficier. Ainsi, seulement 8,5% des patients atteints d’un diabète en Île-de-France ont l’occasion de participer à un programme d’ETP malgré une demande toujours plus forte.
Et si la solution était l’e-ETP ?
L’e-ETP c’est comme l’ETP, mais en format digital. Le fond reste le même, c’est-à-dire permettre aux patients d’améliorer leurs connaissances sur une pathologie chronique tout en leur permettant de s’approprier la démarche thérapeutique, mais la forme change. Ainsi, les patients retrouvent l’esprit de l’ETP à partir d’un ordinateur ou du téléphone portable. Toutefois, il est à mentionner que si les professionnels de la santé sont toujours au cœur de ces programmes, ceux-ci ne sont pas aussi accessibles qu’avec l’ETP « traditionnelle ».
Pourquoi cette étude sur l’ETP ?
Nuvee est une plateforme d’accompagnement digital thérapeutique qui s’appuie sur deux éléments :
1° – un programme d’e-ETP, à réaliser en ligne, tout en étant suivi à côté par un(e) infirmier / infirmière diplômé(e) d’état « Action de Santé Libérale en Équipe » (IDE ASALEE),
2° – ainsi qu’une communauté en ligne de soignants, patients et patients experts.
Le projet étant innovant, le Diabète LAB de la Fédération Française des Diabétiques a été sollicité par Nuvee et Novo Nordisk afin d’évaluer qualitativement les apports et difficultés de ce programme.
Méthodologie
Les critères d’inclusion pour les patients vivant avec un diabète étaient d’être majeur, d’être diagnostiqué DT2, d’avoir effectué au moins une partie du parcours d’e-ETP de Nuvee et d’avoir donné son consentement pour participer à l’étude. Concernant les IDE ASALEE que nous avons rencontré, les critères d’inclusion étaient d’avoir inclus plusieurs patients dans le programme d’e-ETP et d’avoir donné son consentement pour participer à l’étude.
Résultats
Quatre patients atteints d’un diabète ont été rencontrés, deux femmes et deux hommes, avec une moyenne d’âge de 57 ans. L’ensemble des IDE ASALEE rencontrées était des femmes, dont l’âge était compris entre 40 et 50 ans. Toutes avaient une forte expérience en diabétologie.
Un programme complet
Le programme Nuvee est composé d’une trentaine d’ateliers avec des thématiques diverses et variées comme les complications du diabète, les traitements existants ou encore sur le fonctionnement de la pathologie. Ces ateliers se présentent sous forme de quizz d’évaluation des connaissances initiales, d’une présentation interactive et enfin d’un deuxième quizz pour vérifier les connaissances de l’utilisateur à la fin de l’atelier.
« Au début pas trop [de difficultés]. Mais là… oui quand même. Moi je rencontre des difficultés. Je trouve que c’est très précis, c’est très intéressant, mais c’est… alors le niveau est super bien élevé. » – Mme Claude
Un des retours importants des patients est l’exhaustivité ainsi que la qualité des informations contenues dans les différents ateliers du programme Nuvee. Cette richesse est à double tranchant. D’un côté elle permet à qui le souhaite d’avoir accès à l’ensemble des connaissances disponibles (ou presque) sur le diabète, de l’autre elle peut être génératrice d’un sentiment de frustration lié à la complexité des informations présentées.
« Par exemple, il y a même des termes que je ne connaissais pas, que j’ai dû aller rechercher et moi où je me dis, bon au moins je les recherche parce que ça m’intéresse, parce que je suis sensibilisé, parce que j’ai l’esprit comme ça… » – IDE Christiane
Or, les ateliers étaient pour la grande majorité considérés comme très, voire trop, complexes par les patients, mais aussi pour les IDE (et même nous, mais ne le répétez pas).
La première version du programme d’e-ETP Nuvee ne semblait donc pas tout à fait permettre de développer l’accès à l’ETP.
Des nouvelles perspectives
Plusieurs perspectives ont été discutées à la fois avec les patients, mais également avec les professionnels de santé.
« Eh bien, je suis satisfaite. Je suis contente qu’il existe, je trouve que c’est un super programme. Mais il faut qu’il soit un peu plus adapté et ça je pense que je l’ai bien redit. Qu’on se sente pas en difficulté, parce qu’il y a pas que moi ». – Mme Claude
La première perspective évoquée par les patients, mais aussi par les IDE ASALEE, concernait une simplification des ateliers afin qu’ils correspondent mieux aux attentes des personnes atteintes de diabète.
« Mais j’ai dit « c’est bon, je veux pas être pharmacien, je veux pas être diététicien. Je veux juste être informé sur ce qui m’arrive et puis sur mon traitement metformine. » – M. Pascal
L’exemple le plus parlant est l’atelier sur les traitements, notamment sur l’insulinothérapie. En effet, toutes les personnes atteintes d’un diabète de type 2 ne sont pas traitées par insuline et ne ressentent pas le besoin d’approfondir leurs connaissances sur le sujet.
« Et moi je me rends compte que les patients que je rencontre, ce dont ils ont besoin c’est du face à face. Ce n’est pas être devant un ordinateur. C’est pas être devant un téléphone. » – IDE Sandrine
Lors de nos entretiens avec les patients, il a été évoqué que faire ces ateliers d’e-ETP avec leur IDE pourrait leur permettre d’assimiler plus rapidement et dans d’autres conditions les informations données. L’alliance thérapeutique, déjà présente, pourrait également être renforcée.
« On est toujours, j’ai l’impression, les infirmières, on est toujours un peu en recherche d’outils qui va nous permettre de faire le mieux possible notre travail, je dirais. » – IDE Christiane
Nuvee devient un programme d’e-ETP qui favorise les échanges entre les soignants et les patients. Les discussions peuvent s’attarder sur des points spécifiques, étudiés durant les différents ateliers. C’est un nouvel outil sur lequel s’appuyer. Dans cette perspective, il a été suggéré que la solution Nuvee soit également utilisée en support de programme d’ETP traditionnel.
Au-delà du parcours ETP, Nuvee a été identifié comme un outil de « mise à niveau » des connaissances des professionnels de santé permettant une évolution des pratiques.
Ainsi le dispositif possède maintenant différents niveaux de lecture pour différentes utilisations :
- Un parcours prévention du diabète de type pour les personnes à risque
- Un parcours e-ETP pour patients et aidants « l’essentiel sur mon diabète »
- Un parcours e-formation pour patients partenaires/experts et professionnels de santé « le diabète de type 2 de A à Z »
- Une utilisation asynchrone pour optimiser le parcours de soins entre les entretiens
- Une utilisation synchrone pour enrichir les outils ETP lors des entretiens
Nuvee : plus qu’une solution technologique, une équipe humaine !
Notre travail avec Nuvee ne s’est pas arrêté avec les entretiens que nous avons menés. L’équipe du Diabète LAB a également participé à l’ensemble des réunions de suivi entre l’équipe du Dr Gauthier et les IDE ASALEE. Ces réunions ont permis aux équipes de terrain de faire des remontées factuelles et ainsi d’améliorer progressivement la solution. Ainsi, de nombreuses améliorations ont d’ores et déjà été réalisées. Comme l’adaptation des contenus, avoir des parcours différents ou alors aller à l’atelier qui intéresse plus particulièrement le patient. L’équipe Nuvee a pris très à cœur d’adapter son programme afin que le plus de personnes atteintes d’un diabète puissent en bénéficier.
En conclusion
Malgré des débuts difficiles, Nuvee peut aujourd’hui être considérée comme une plateforme claire, compréhensible permettant non seulement aux personnes atteintes de diabète de mieux connaître leur maladie, mais aussi aux IDE de disposer d’un nouvel outil d’animation pour de l’ETP plus traditionnel.
Nous tenons à saluer l’écoute des équipes de Nuvee qui ont toujours eu à cœur d’intégrer les retours des utilisateurs afin d’améliorer leur solution. Il nous tarde de voir l’évolution de cet e-ETP qui pourrait permettre à de nombreux patients d’avoir accès, sans limites géographiques, à des contenus de qualité sur le diabète.
Auteurs: Coline Hehn, Nicolas Naïditch
Bibliographie :
https://www.has-sante.fr/jcms/c_1241714/fr/education-therapeutique-du-patient-etp
https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/etp_-_guide_version_finale_2_pdf.pdf
Ducos J., 2012, « L’offre d’éducation thérapeutique pour diabétiques adultes en Île-de-France : un défi à l’équité », Pratiques et Organisation des Soins, 43, 1, p. 1.