En France, le nombre de personnes vivant avec un diabète (PvD) bénéficiant d’un traitement par insuline était estimé à 690 000 en 2020, dont 88% par injection1. La quasi-totalité des personnes diabétiques de type 1 utilisent ce traitement, mais la situation est bien différente pour les personnes diabétiques de type 2, qui sont seulement 20% à l’utiliser2. Précédemment, nous vous avons présenté les résultats d’une enquête qualitative basée sur 12 entretiens de recherche sur la perception d’une insuline lente hebdomadaire (retrouvez les résultats ici). Cette étude, en partenariat avec le laboratoire Novo Nordisk, comportait deux phases, dont une quantitative basée sur un questionnaire que nous vous présentons dans cet article. Ce nouveau traitement pourrait bientôt être disponible, et permettrait de ne prendre qu’une dose d’insuline basale par semaine au lieu de sept. Il nous paraissait ainsi essentiel de vous questionner dessus, afin de mieux connaitre vos besoins et vos attentes.

Méthodologie

Un questionnaire a été diffusé en janvier et février 2024 par la Fédération Française des Diabétiques. Plusieurs questions étaient posées sur le rapport à l’insuline de manière générale, ainsi que sur les attentes et les freins d’une insuline lente hebdomadaire. Les résultats ont fait l’objet d’une analyse statistique afin d’étudier leur distribution et significativité3. Nous avons comparé les groupes entre les personnes atteintes de diabète de type 1 (paDT1) et les personnes atteintes de diabète de type 2 (paDT2) pour voir si une différence significative dans les réponses existait.

Caractéristiques des répondants

Les réponses de 2 848 personnes atteintes de diabète ont été analysées. Les paDT1 étaient 1 238 (49,8%) et les paDT2 1 210 (50,2%). Il y avait 56% de femmes chez les paDT1 et 43% chez les paDT2. L’âge moyen des paDT1 était de 56 ans, avec environ 27 années de vie avec la maladie, et l’âge des paDT2 était de 67 ans, avec en moyenne 19 années de vie avec le diabète.

Les paDT1 étaient 39% à utiliser une pompe à insuline et 60% à utiliser un stylo à insuline. Les paDT2 étaient 83% à être traités par insuline, avec environ 9% d’entre eux qui utilisaient une pompe à insuline, et 75% qui étaient sous injection. Les répondants avaient un niveau d’étude élevé en moyenne, avec 73% des paDT1 et 52% des paDT2 qui avaient un niveau d’étude supérieur au bac.

La population de cette étude avait un niveau d’étude supérieur à la moyenne des personnes atteintes de diabète en France, et bénéficie d’un fort capital socioéconomique et culturel. En comparaison, l’étude Entred 3 menée à 2019 montrait que 57% des paDT1 ont un niveau d’études supérieur au bac, et 27% pour les paDT2. De plus, il s’agit d’une population relativement âgée avec une longue expérience de vie avec la maladie. Nos résultats sont donc difficilement généralisables, mais permettent de dresser un panorama sur les personnes atteintes de diabète qui suivent les études du Diabète LAB et les actions de la Fédération Française des Diabétiques.

Résultats : une perception globalement très positive

De manière globale, les répondants ont exprimé un fort niveau d’attentes vis-à-vis de ce nouveau traitement. Environ 84% des répondants ont répondu qu’ils pourraient envisager de recourir à l’insuline hebdomadaire lente si ce traitement est disponible et que leur médecin leur propose ce traitement. 80% des paDT1 ont répondu ainsi, étant étaient significativement moins nombreuses à envisager ce passage que les PaDT2, qui étaient 88% à l’envisager.

Selon le type de traitement, la perception de cette nouvelle insuline lente hebdomadaire n’était pas la même. Les personnes sous pompe à insuline répondaient à 69% qu’elles pourraient passer à l’insuline hebdomadaire, contre 75% pour celles qui n’ont pas insuline, 92% pour celles sous multi-injection quotidienne, et 95% pour celles uniquement sous insuline lente.

Nous avons proposé plusieurs affirmations en demandant aux répondants de dire s’ils étaient d’accord ou non, en donnant une note sur 10 (0 : pas du tout d’accord, et 10 : tout à fait d’accord) :

  • A l’affirmation « Une insuline hebdomadaire améliorerait ma qualité de vie », les réponses avaient une moyenne 7,3/10
  • A l’affirmation « Une insuline hebdomadaire me rendrait ma vie plus facile », les réponses avaient une moyenne de 7,3/10
  • A l’affirmation « L’impact sur l’environnement (moins de ressources consommées) pourrait m’amener à prendre de l’insuline hebdomadaire », les réponses avaient une moyenne de 6,4/10
  • A l’affirmation « Ma perception de l’insuline serait meilleure », les réponses avaient une moyenne de 6,1/10 (avec une différence significative entre les pvDT1 à 5,9 et les pvDT2 à 6,3)

En moyenne, environ 62% des répondants pensaient qu’une insuline hebdomadaire pourrait avoir un impact positif sur le fardeau de la maladie, sans différence significative en fonction du type de diabète. Ils étaient également 47% à penser que ce traitement pourrait atténuer certaines appréhensions liées à la prise d’insuline, avec une différence significative entre les pvDT1 à 42% et les pvDT2 à 53%. De plus, 64% des répondants estimaient qu’une réduction des déchets en passant à une insuline hebdomadaire était un élément important, avec une différence significative entre les pvDT1 à 63% et les pvDT2 à 66%.

Au niveau des apports perçus de cette nouvelle insuline hebdomadaire, plusieurs éléments sont attendus. Tout d’abord, 60% des répondants la perçoivent comme étant plus pratique, sans différence significative entre les groupes. Ensuite, 52% des répondants pensent qu’elle permettrait une diminution de leur charge mentale, avec une différence significative entre les pvDT1 qui ont répondu cela à 62%, contre 43% pour les pvDT2. Enfin, elle parait plus simple d’utilisation pour 45% des personnes, quel que soit leur diabète.

Sur les 2848 participants à cette étude, 381 n’envisageaient pas de passer à cette nouvelle insuline, soit environ 16% des répondants. Parmi les réponses invoquées pour expliquer ce choix, plusieurs freins ont été identifiés par les répondants :

  • 60% ont répondu un manque de confiance en la durée de 7 jours
  • 28% une mauvaise adaptation à la vie quotidienne (avec une différence significative entre les pvDT1 à 34% et les pvDT2 à 20%)
  • 26% un risque d’oubli
  • 18% un risque d’effets indésirables
  • 15% un risque d’augmenter la charge mentale

Ces résultats montraient donc la perception positive pour l’insuline hebdomadaire, quel que soit le type de traitement, avec une majorité de répondants (84%) qui envisageaient d’y recourir. L’intérêt principal concernait l’amélioration de la qualité de vie, et la diminution du fardeau du traitement. Les pvDT2 étaient significativement plus nombreuses à envisager cette option que les pvDT1, essentiellement car l’insuline hebdomadaire était perçue comme plus pratique et diminuant la charge mentale, même si les différences n’étaient pas grandes. Les personnes qui n’envisageaient pas de passer à l’insuline hebdomadaire évoquaient comme raison principale les doutes relatifs à la durée d’action de 7 jours.

Discussion : des différences selon le type de diabète et le traitement     

Ces résultats montrent la perception que les personnes atteintes de diabète peuvent avoir spontanément en réfléchissant à l’intérêt et à la possibilité d’essayer une nouvelle insuline hebdomadaire. De prime abord, l’intérêt est donc très fort pour ce nouveau traitement, sans pour autant modifier la perception de l’insuline en tant que telle. Cet intérêt est sans doute à nuancer, notamment en mettant ces résultats en parallèle de la partie qualitative où certaines personnes interrogées ont modifié leur perception au cours de la discussion, en réfléchissant aux conséquences d’un traitement qui ne peut être modifié au cours de la semaine, ni adaptable selon les besoins au jour le jour.

Certaines différences apparaissaient entre les pvDT1 et les pvDT2, qui se sont retrouvées également dans la partie qualitative de l’étude. Les pvDT1 avaient un rapport plus fort à leur traitement et à l’insuline, et envisagaient moins de recourir à l’insuline hebdomadaire. D’autres critères sont également importants, comme le type de traitement, avec les personnes sous pompe à insuline qui étaient moins enclines à modifier leur traitement, par rapport aux personnes sous insuline lente seule qui dans leur très grande majorité souhaitaient accéder à l’insuline hebdomadaire.

Malgré cela, le fait que les personnes sous pompe à insuline étaient 69% à envisager de recourir à l’insuline hebdomadaire interroge, même si ce taux de réponse est bien inférieur à celui des personnes sous d’autres types de traitement. Il pourrait peut-être s’agir en partie de personnes à qui les pompes à insuline ne conviennent pas, qui envisagent de repasser à l’insuline, et pour qui ce nouveau traitement représente une forme d’innovation, et non un « retour en arrière » en repassant aux injections. Le fait de bénéficier d’une avancée au niveau des injections d’insuline peut donc avoir un intérêt en tant que tel, ne serait-ce qu’au niveau symbolique pour les personnes qui sont attachées à ce traitement.

Ces résultats sont à relativiser par rapport à la population étudiée qui ne représente pas l’ensemble des personnes atteintes de diabète aujourd’hui en France. Par rapport à la population générale, les personnes en lien avec le Diabète LAB ont un niveau d’études supérieur, et les pvDT1 étaient surreprésentées. Mais ces résultats nous renseignent tout de même sur le niveau d’attente très élevé à l’égard de ce nouveau traitement.

Conclusion : l’espoir d’un fardeau allégé

En conclusion, notre enquête met en lumière la perception positive de l’insuline lente hebdomadaire chez les personnes atteintes de diabète. Les pvDT1 ont une perception légèrement plus nuancée, mais qui reste globalement très bonne. L’intérêt pour ce nouveau traitement se situe au niveau de l’amélioration de la qualité de vie, et de la diminution de la charge mentale et du fardeau de la maladie. La principale réticence concerne le manque de confiance dans la durée d’action de 7 jours. Tout comme dans la conclusion de notre article sur la partie qualitative de cette enquête, nous vous rappelons que cet article a uniquement pour objectif de vous informer, et que l’essentiel est de vous faire votre propre avis, par rapport à vos besoins et vos attentes vis-à-vis des traitements qui vous sont proposés.

 

1 CNEDiMTS. OMNIPOD, Pompe à insuline externe sans tubulure extérieure. Paris: Commission Nationale d’Evaluation des Dispositifs Medicaux et des Technologies de Santé; 2020.
2 Roussel R, Fontaine P, Gouet D, Serusclat P, Martinez L, Detournay B, et al. Le traitement du diabète de type 2 en France est dynamique plutôt qu’inerte : analyse des prescriptions de 847 122 patients. Médecine Mal Métaboliques 2018;12:346–52.
3 Une différence significative signifie que la différence entre deux résultats n’est probablement pas due au hasard, et qu’il existe sans doute une raison qui permet d’expliquer pourquoi les groupes répondent différemment