Aude, 30 ans et Samuel, 49 ans, sont tous deux diabétiques de type 1. Elle vient de quitter son travail dans une librairie pour se lancer dans un projet personnel de confection d’aliments à index glycémique bas, bio, local et sans produits raffinés. Lui est ingénieur. Ils utilisent actuellement une pompe à insuline couplée à un lecteur de glucose en continu, et font tous les deux énormément de sport !

Leurs rapports au sport depuis le diagnostic

Question activité physique, Samuel a un métier très sédentaire, derrière un bureau, il a donc commencé la course pour « sortir du modèle métro-boulot-dodo ». Il pratique actuellement la course à pied sur de longues distances, il court régulièrement entre 8 à 12 heures par semaine. Il participe aussi à de nombreuses courses d’endurance, par exemple des 100 km ou des « 24 heures », qui est une épreuve de course à pied (ultrafond) consistant à parcourir la plus grande distance en 24 heures.

Aude apprécie fortement le vélo. Elle s’en sert pour tous ses trajets en ville, pour aller au travail, faire ses courses ou une balade. Elle s’adonne aussi à la course à pied et avant l’arrivée de la Covid-19 dans nos vies, elle allait en salle de sport pour se renforcer musculairement. Elle pratique également du yoga. Par semaine, elle s’aménageait d’habitude du temps pour faire 2 à 3 fois des grosses séances d’une heure. Depuis la crise sanitaire de la Covid-19, elle répartit ce temps en séances de 30 minutes, en alternant selon son envie, la course, la cardio, le yoga et le vélo.

Cela fait 17 ans que Samuel utilise une pompe à insuline et seulement 6 ans qu’il est équipé d’un FreeStyle Libre©. Il a commencé le sport petit à petit après le diagnostic à ses 24 ans, au même moment où il a arrêté de fumer. « Il va falloir que je fasse plein d’autres choses pour m’éloigner de la cigarette », explique-t-il, amusé. Il vient d’ailleurs tout juste de changer de pompe et est équipé du modèle t:slim X2™ depuis quelques semaines.

Diagnostiquée à ses 26 ans, Aude a passé deux ans à se piquer avec des stylos injecteurs d’insuline. Elle est aujourd’hui équipée d’une pompe à insuline Omnipod© et du FreeStyle Libre© et son capteur depuis deux ans. Le passage à la pompe et au lecteur de glucose en continu ne s’est pas fait tout de suite, car au moment du diagnostic, les professionnels de santé l’ont inscrit à une journée pédagogique sur comment gérer le diabète et le sport, mais il n’y avait que des personnes diabétiques de type 2, ainsi que des personnes âgées. Même les infirmières lui disaient « mais qu’est-ce que tu fais là ? ». La formation était trop avancée pour elle et elle n’en a hélas rien tiré de constructif pour la gestion de son diabète. Aude considère qu’elle n’a pas été bien suivie suite au diagnostic et s’est donc autogérée au point de développer des troubles du comportement alimentaire. Elle a pu rattraper ses connaissances sur la gestion de la pompe à insuline en faisant une formation d’insulinothérapie fonctionnelle grâce à une hospitalisation de quelques jours. C’était deux ans après le diagnostic.

Comment se sont passés vos débuts dans l’apprentissage à la gestion des dispositifs médicaux pour pratiquer du sport comme vous le souhaitiez ?

Samuel
« Au début, j’étais sous stylo et j’avais beaucoup de mal à me caler ! Je faisais le yoyo donc beaucoup d’hypoglycémies et hypoglycémies, j’avais les jambes extrêmement dures et je faisais des crises d’acétone associées. Pendant certaines courses, j’étais obligé d’abandonner. Quand je suis passé sous pompe, c’est allé bien mieux. J’ai trouvé très rapidement les paramètres pour le débit de base et le bolus. Maintenant, j’ai la chance de pouvoir appliquer un débit temporaire 5 minutes avant de partir courir, modifier le réglage au cours de la sortie et je ne fais que très rarement une hypoglycémie ! Que du bonheur ! »

Aude
« Pour le FreeStyle Libre©, mon médecin me l’avait prescrit et m’avait dit que tout était bien expliqué sur internet. Je me documente énormément, donc j’ai appris un peu toute seule. Quand j’allais à la salle, je demandais quelques astuces et conseils à une personne diabétique, mais sans plus. Quand on m’a installé le pod de l’Omnipod© j’ai fait une insulinothérapie fonctionnelle, mais ce que je trouve étrange, c’est qu’on me disait d’être allongée 4 à 5 jours alors que dans la vie on bouge, j’ai trouvé que cela n’avait pas trop de sens. J’avais posé la question à une infirmière et elle m’avait dit que c’était pour voir les données de base justement sans bouger. Mais quand je suis sortie de la formation, je tombais en hypo tout le temps, car je bougeais beaucoup, donc j’ai dû réajuster mon apprentissage par rapport à la réalité de ma vie. »

Est-ce que vous vous êtes renseigné, avez cherché des astuces par vous-même pour vous aider à gérer de manière optimale un lecteur de glucose en continu et une pompe à insuline pour faire du sport assez intensif ?

Aude
« Je trouve qu’on ne m’avait pas donné assez d’informations pour ma vie sportive et j’aime bien me renseigner en général, je suis assez curieuse. Mais maintenant je n’ai plus besoin. J’avais regardé de nombreuses vidéos pour savoir quel dispositif médical je voulais et voir ce qui était le plus adapté à ma vie sportive. Je suis des filles sur Youtube comme les jumelles Elise et Anne, et Aubépine. Sinon l’hôpital de La Rochelle sort des vidéos et j’ai consulté les livres que j’avais achetés. »

Samuel
« J’ai eu une formation initiale à l’hôpital une semaine pour apprendre à utiliser la pompe. Les professionnels de santé et les infirmières m’ont rassuré, en me disant qu’on pouvait ajuster les doses, modifier le débit de base. Ils m’ont dit ne pas hésiter à prendre de l’autonomie. Cela m’a donné confiance pour la course à pied. J’avais dit aux professionnels de santé que je faisais de la course donc je n’ai pas eu vraiment de réponses précises sur la gestion de la pompe avec le sport.

J’ai appris sur le tas ensuite pour savoir comment je devais doser l’insuline en fonction des distances que je parcourrais. Par exemple, lors de la « Mil’kil de France » (une course de 1000 km entre Saint-Malo et Sète que j’ai réalisé en 13 jours, 5 heures, 22 minutes et 10 secondes), j’ai trouvé le bon débit de base en 2 jours : 40% du débit lorsque je courais et 80% lors de mes phases de repos. Et plus de bolus lors de ces 13 jours ! Lors de courses de « 24 heures », je dois descendre à 25% du débit de base par exemple. L’expérience et l’audace permettent tout, de plus, la pompe à insuline et le lecteur de glucose en continu offrent une telle aisance ! »

Depuis que vous avez acquis une certaine expérience, comment vivez-vous la gestion de ces dispositifs avant/ pendant/après l’activité sportive ?

Samuel 
« Lorsque j’étais sous stylo, il fallait commencer à anticiper 24 heures à l’avance. Une grosse charge mentale. Maintenant, avec la pompe à insuline, je peux modifier les paramètres juste avant la sortie ou l’épreuve et même modifier ceux-ci en cours de route. La pompe me permet une flexibilité inimaginable comme d’ailleurs le lecteur de glucose. Connaitre mon taux de glycémie très rapidement en me scannant… Je ne peux qu’encourager les personnes diabétiques à s’en équiper. Entre la charge cognitive d’il y a 20 ans et maintenant, c’est dix fois moins de charges mentales. Maintenant je pars en course, je ne me pose plus de question, je peux être informé très rapidement et agir sur ma glycémie. C’est incomparable ! Depuis que je suis équipé d’une pompe à insuline, je n’ai plus abandonné une seule course. C’est magique. »

Aude
« Je me suis adaptée, c’est comme si un nageur doit préparer ses affaires avant sa séance de natation. Je regarde si je suis en hypo/hyper et j’adapte. Parfois c’était une charge mentale quand je faisais une séance de cardio. J’avais un peu le nez sur le capteur, car les séances sont très sportives et me faisaient tomber en hypo. Ce n’est pas toujours évident. Je fais mon sport en fonction de ma glycémie. Les jumelles disent « on adapte son diabète à sa vie et pas sa vie à son diabète », ce n’est pas tout le temps vrai pour ma part.

Au du début on ne se connait pas trop et cela peut être très frustrant.  J’allais en vélo à la salle de sport, mais j’étais en hypo en arrivant. Du coup, j’étais obligée de me resucrer sans arriver à faire la séance de cardio. Il faut anticiper. Par contre le yoga ne me donne pas d’hypoglycémie, quand ce ne sont pas des séances trop punchy. »

Quels bénéfices et/ou inconvénients avez-vous tirés de votre expérience de la gestion de ces dispositifs avec le sport ?

Samuel
« Personnellement je ne vois que des bénéfices. Par exemple, pour moi, le capteur ne se décolle plus jamais, même pendant une course. Pour ma part, ce n’est pas le diabète qui me limite dans ce que je veux faire. Le diabète il faut l’accepter, mais il y a peu de limites de mon point de vue. Le diabète, c’est comme les 1000 kilomètres, c’est dans la tête. »

Aude
« C’est un peu quitte ou double. À 75% c’est bénéfique, car on passe moins de temps à se piquer qu’avec des stylos ou les glycémies capillaires, mais l’inconvénient c’est que je suis trop tombée dans le contrôle. Aussi, j’interprète tout le temps les résultats alors que ma diabétologue m’a dit d’attendre un peu avant d’interpréter.

Parfois au travail je me scanne, la flèche est vers le bas, je suis sur le point de me resucrer, alors que quand j’attends, ma glycémie se stabilise. Du coup j’anticipais le sucrage et je faisais une hyperglycémie. Comme c’était devenu un peu phobique de tomber en hypoglycémie, j’agissais trop vite.

Il peut encore m’arriver de gérer un peu au pifomètre, par exemple lors d’une balade de 2h30 qui n’était pas prévue. Je suis tombée en hypoglycémie sévère, je me suis resucrée et ça a été. Donc selon moi, il ne faut pas trop se laisser vivre, il faut un équilibre entre le contrôle de son diabète et se laisser vivre.

Les médecins m’avaient tellement mis en garde sur les hypoglycémies et les hyperglycémies… Mais j’ai réalisé en regardant des vidéos de personnes diabétiques qui montrent leur chiffre d’hypoglycémie que ça allait vis-à-vis de mes chiffres, et cela m’a rassurée. Donc il faut gérer et faire attention, mais parfois on ne peut pas tout contrôler. »

La crise sanitaire et les confinements, ont-ils eu un impact sur votre pratique sportive, l’utilisation de votre lecteur de glucose en continu et la pompe à insuline ?

Samuel
« Cela a eu un impact sur mon mental, car nous n’avions plus le droit d’aller au-delà d’un kilomètre. Alors que début 2020, toutes les courses auxquelles j’étais inscrit ont été annulées, j’ai décidé de m’inscrire à la « 1000km de France », pour conjurer le sort… La course a finalement pu avoir lieu et ce fut une expérience merveilleuse. »

Aude
« Je fais plus de sport qu’avant la Covid, moins longtemps, mais plus de séances de 30 minutes. Je vais marcher par-ci par-là. Je fais mes séances de cardio toute seule et le yoga en vidéo sur Youtube. »

Si vous aviez quelques astuces à partager à des utilisateurs de lecteurs de glucose en continu couplés à une pompe à insuline qui pratiquent du sport, que leur diriez-vous ?

Aude
« Il ne faut pas lâcher, car le sport c’est très important, mine de rien, et j’ai beaucoup décrit les côtés négatifs. Mais il faut savoir que je me sens tellement mieux mentalement après une séance de sport. Et quand je n’en fais pas, je le vois directement, j’ai moins d’énergie, je suis plus souvent en hyperglycémie, le sport m’aide vraiment à réguler le diabète. Et n’importe quelle activité physique est utile, comme de la marche ou autre, ce n’est pas obligatoirement nécessaire de faire du sport intensif comme moi. »

Samuel
« Je conseillerais de ne pas avoir peur de changer son protocole d’insuline, car très rapidement on gagne en autonomie et en confiance en se disant qu’on est capable d’apprendre et de gérer. Ces dispositifs permettent d’agir rapidement en fonction de ses activités. L’équilibre de la glycémie est tellement plus facile en pratiquant une activité physique ! Alors n’hésitez plus, sortez ! (Quand cela est possible, selon les annonces gouvernementales évidemment). »

 

Ces témoignages n’ont pas de valeur médicale, les propos des interviewés n’engagent qu’eux-mêmes. Consultez votre médecin ou votre diabétologue pour en savoir plus sur la gestion des dispositifs médicaux, l’adaptation de votre traitement et le sport.