Étude PRODIAB – Étude quantitative sur les impacts du diabète sur la vie des personnes atteintes de diabète de type 1 et de type 2

En France, près de 4 millions de personnes sont atteintes d’un diabète et sont pris en charge pharmacologiquement (Santé Publique France, 2021). C’est toute une communauté de patients qu’il est nécessaire d’accompagner afin d’améliorer leur vécu de la maladie.

Les PROMS (Patient-reported outcomes measures) sont des questionnaires qui permettent d’obtenir des données rapportées par les patients. Plus précisément, le patient évalue son état de santé une fois l’épisode de soins terminé.  Ces questionnaires donnent l’opportunité d’évaluer leur perception de l’impact de la maladie dans différentes dimensions de la qualité de vie, comme les capacités fonctionnelles, le fardeau de la maladie ou encore la santé mentale. Il existe deux types de PROMS : les PROMS « génériques » qui peuvent être utilisés dans toutes les maladies chroniques et les PROMS « spécifiques » qui sont généralement utilisés dans une maladie spécifique, comme le diabète.

Aujourd’hui, les PROMS sont peu, voire pas, pris en compte par les professionnels et les autorités de santé dans l’évaluation des traitements (médicaments et dispositifs médicaux) du diabète (Roussel et al., 2022). Ceci peut, entre autres choses, être attribué à une mauvaise connaissance des différents PROMS qui sont, presque paradoxalement, extrêmement nombreux. Pourtant, pour les personnes diabétiques, l’amélioration de leur qualité de vie est souvent tout aussi importante que l’amélioration de leur équilibre glycémique.

Dans ce contexte, la Fédération Française des Diabétiques a décidé de mener une étude quantitative à l’intention des personnes diabétiques. Dans cet article, nous nous focalisons sur les résultats relatifs à l’impact du diabète sur la qualité de vie des 2796 répondants atteints d’un diabète de type 1 et type 2 qui ont participé à notre enquête en ligne.

Méthodologie

Afin d’élaborer l’enquête, un comité scientifique de 19 personnes a été organisé. Celui-ci était constitué de personnes atteintes d’un Diabète de Type 1 (DT1) et d’un Diabète de Type 2 (DT2), de professionnels de santé ainsi que de représentants des autorités de santé. Ce comité scientifique a permis d’identifier et de choisir les principaux questionnaires utilisés dans l’étude. Quatre d’entre eux ont été choisis, évaluant trois dimensions : la qualité de vie (générique et spécifique), le fardeau de la maladie et, enfin, la santé psychologique.

Le questionnaire élaboré par le Diabète LAB a été mis en ligne entre février et mars 2022 et était composé de ces différentes échelles :

 

  • Qualité de vie (générique): EuroQol 5-Dimensions 5-Level questionnaire (EQ-5D-5L) (de Pouvourville et al., 2020). Ce questionnaire évalue 5 dimensions de la qualité de vie : la mobilité, l’autonomie de la personne, l’impact sur les activités courantes, la douleur et la gêne, l’anxiété et la dépression. Un score inférieur à 0 indique un état de santé pire que la mort et un score de 1 indique le meilleur état de santé possible.

 

  • Qualité de vie (spécifique): Audit of Diabetes-Dependent Quality of Life (ADDQOL) (Bradley et al., 1999). Ce questionnaire évalue la perception que le patient a de l’impact du diabète sur sa qualité de vie. Les scores peuvent aller de -3 (impact négatif maximum) à +1 (impact positif maximum).

 

  • Fardeau de la maladie (générique): Treatment Burden Questionnaire (TBQ) (Tran et al., 2012). Cette échelle mesure la vie avec le diabète pour les patients avec la charge liée à la prise de médicaments, à l’autosurveillance, aux analyses médicales, etc. Ce questionnaire est composé de 15 items notés sur une échelle allant de 0 (aucun impact) à 10 (impact considérable). La moyenne des scores des 15 items va de 0 (aucun fardeau) à 10 (fardeau très important).

 

  • Santé psychologique (générique): Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS) (Zigmond & Snaith, 1983). Ce questionnaire évalue le niveau de dépression et d’anxiété des répondants. Chaque item se compose d’une proposition et de quatre possibilités de réponses dont les scores vont de 0 à 3.  Si le score est supérieur ou égal à 10, cela indique un niveau d’anxiété et/ou de dépression important chez le patient.

Résultats

Caractéristiques de la population

2796 personnes diabétiques ont accepté de participer au questionnaire. 45,6% des répondants étaient atteints d’un DT1 et 54,4% d’un DT2. Les femmes étaient plus nombreuses parmi les DT1 (55,5%) que parmi les DT2 (42,4%). L’âge moyen des répondants était de 56 ans pour les DT1 et de 66 ans pour les DT2.

Prise en charge du diabète

Une grande majorité des personnes DT1 était prise en charge avec une pompe à insuline (56,8%) et un capteur de glucose en continu (88,7%). À l’inverse, la majorité des personnes DT2 était sous antidiabétiques oraux (77,9%) et utilisait un lecteur de glycémie capillaire (46,8%). Plus de 50% des répondants estimaient que l’équilibre de leur diabète était plutôt bon. Enfin, les personnes DT2 avaient significativement plus de complications que les personnes DT1 (respectivement 2,85 VS 1,79). Les plus courantes chez les personnes DT2 étaient l’hypertension artérielle, l’obésité et les troubles du sommeil.

Qualité de vie

La qualité de vie mesurée par le PROMS générique EQ-5D-5L était meilleure chez les personnes DT1 (0,75/1) que chez les personnes DT2 (0,66/1). Par comparaison, dans la population française le score de qualité de vie est de 0,84/1 entre 55 et 64 ans et de 0,80/1 pour les personnes âgées entre 65 et 74 ans (Janssen & Szende, 2014). Nos résultats suggèrent ainsi que le diabète, qu’il soit de type 1 ou de type 2, a des impacts importants sur la qualité de vie. La moins bonne qualité de vie des personnes atteintes d’un diabète de type 2 par rapport à celles atteintes d’un diabète de type 1 peut certainement être attribuée à la différence d’âge et de nombre de complications, tous les deux plus important chez les personnes DT2.

La qualité de vie mesurée par le PROMS spécifique ADDQOL était significativement meilleure chez les personnes DT2 (-2,47) que chez les personnes DT1 (-2,80). Cette différence peut être induite par les conséquences de la maladie et de ses traitements qui sont vraisemblablement plus importantes chez les personnes DT1 que chez les personnes DT2 (insuline, risques d’hypoglycémies, risque de complications, etc.).

Fardeau de la maladie

Le fardeau de la maladie mesuré par le TBQ a un impact plus important dans la vie quotidienne des personnes DT1 (5,48/10) que dans la vie des personnes DT2 (4,91/10). Le seul domaine où les personnes atteintes d’un DT2 ont été le plus impactées concerne l’activité physique recommandée par leur médecin. Dans tous les autres domaines comme l’autosurveillance glycémique et les précautions à prendre par rapport aux médicaments, les personnes DT1 avaient des scores plus importants indiquant un fardeau de la maladie lourd. Cette différence peut notamment être induite par les contraintes associées au traitement par insuline.

La santé psychologique

Le questionnaire HADS a permis de mettre en exergue que les personnes DT2 présentaient plus de symptômes dépressifs que les personnes DT1 (respectivement 15,5 % VS 11,3 % avec une symptomatologie certaine). Les personnes DT1 étaient légèrement plus nombreuses à présenter des symptômes anxieux que les personnes DT2 (respectivement 27,7 % VS 26,8 % avec une symptomatologie certaine). Que les personnes soient atteintes d’un DT1 ou d’un DT2, les scores moyens d’anxiété (DT1=8,1/21 ; DT2=7,89/21) et de dépression (DT1=5,5/21 ; DT2=6,1/21) étaient plus importants que dans la population française (anxiété=6,1/21 ; dépression=3,84/21) du même âge (Bocéréan & Dupret, 2014). Le diabète semble donc induire des symptômes anxieux et dépressifs. Il paraît ainsi important de mener une réflexion sur l’accompagnement psychologique des personnes diabétiques tout au long de leur parcours de soins : à l’annonce de la maladie, lors des changements de traitements, de la découverte d’une complication.

Conclusion

Cet article s’est attaché à mettre en exergue l’impact du diabète sur la qualité de vie des personnes atteintes d’un diabète de type 1 ou de type 2. 2796 personnes diabétiques ont répondu au questionnaire en ligne. Les PROMS génériques utilisés ont permis de montrer que le diabète, qu’il soit de type 1 ou de type 2, avait des impacts sur la qualité de vie générale ainsi que sur la santé psychologique. Bien que les deux types de diabète aient des conséquences importantes sur la qualité de vie spécifique et sur le fardeau de la maladie, celles-ci étaient plus importantes chez les personnes DT1 que chez les personnes DT2.

Ces résultats soulignent l’importance des PROMS et permettent d’appuyer le plaidoyer de la Fédération Française des Diabétiques pour une meilleure prise en compte de l’expérience patient dans l’évaluation des impacts et des traitements du diabète.

Auteurs : Nicolas Naïditch, Coline Hehn.

Bibliographie :
Bocéréan, C., & Dupret, E. (2014). A validation study of the Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS) in a large sample of French employees. BMC Psychiatry, 14, 354. https://doi.org/10.1186/s12888-014-0354-0
Bradley, C., Todd, C., Gorton, T., Symonds, E., Martin, A., & Plowright, R. (1999). The development of an individualized questionnaire measure of perceived impact of diabetes on quality of life : The ADDQoL. Quality of Life Research, 8(1/2), 79‑91. https://doi.org/10.1023/A:1026485130100
de Pouvourville, G., Andrade, L., Touboul, C., Ludwig, K., Oppe, M., & Goni, J. R. (2020). Valorisation des états de santé du questionnaire de qualité de vie Euroqol-5D-5L. Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique, 68, S105. https://doi.org/10.1016/j.respe.2020.03.020
Janssen, B., & Szende, A. (2014). Population Norms for the EQ-5D. In A. Szende, B. Janssen, & J. Cabases (Éds.), Self-Reported Population Health : An International Perspective based on EQ-5D (p. 19‑30). Springer. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK500364/
Roussel, C., Chassany, O., Durand-Zaleski, I., Josseran, A., Alter, L., Auquier, P., Bourguignon, S., Cachoux, J., Desforges, C., Fernandez, J., Gaudin, A.-F., Germe, A.-F., Haenel, E., Olivier, P., Maillard, N., Naïditch, N., Nguyen, T., Péan, C., Rumeau-Pichon, C.,… Vray, M. (2022). Place des mesures rapportées par les patients (PROMS/PREMS) dans l’évaluation et la valorisation des technologies de santé en France. Therapie, 77(1), 89‑102. https://doi.org/10.1016/j.therap.2022.01.007
Santé Publique France. (2021). Prévalence et incidence du diabète. https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/diabete/articles/prevalence-et-incidence-du-diabete
Tran, V.-T., Montori, V. M., Eton, D. T., Baruch, D., Falissard, B., & Ravaud, P. (2012). Development and description of measurement properties of an instrument to assess treatment burden among patients with multiple chronic conditions. BMC Medicine, 10(1), 68. https://doi.org/10.1186/1741-7015-10-68
Zigmond, A. S., & Snaith, R. P. (1983). The hospital anxiety and depression scale. Acta Psychiatrica Scandinavica, 67(6), 361‑370. https://doi.org/10.1111/j.1600-0447.1983.tb09716.x

En savoir plus sur les PROMS et les PREMS : 

Évaluation des dispositifs de santé par les patients : les associations ont la clé !