Étude qualitative sur les facteurs associés à la rupture de parcours de soins chez les patients vivant avec un diabète de type 2

 

En France, d’après les données de l’Assurance Maladie, 4 millions de personnes sont traitées pharmacologiquement pour un diabète, soit 6,1% de la population. Parmi eux, 90% sont des Patients atteints d’un Diabète de Type 2 (PaDT2). Leur accompagnement constitue un véritable enjeu de santé publique. En effet, les PaDT2 sont susceptibles de développer des complications graves telles qu’une rétinopathie, une néphropathie ou encore une insuffisance cardiaque chronique. Ils sont également plus à risque de connaitre des parcours de soins moins réguliers que les autres patients atteints de maladies chroniques.

Afin de développer la solution d’accompagnement la plus efficace possible pour améliorer les parcours de soins pour les PaDT2, la société TIMKL a sollicité l’expertise de la Fédération Française des Diabétiques et de son Diabète LAB.

Méthodologie

L’objectif principal de cette étude était d’identifier les facteurs associés à la rupture de parcours de soins chez les PaDT2 pour pouvoir mettre en place de nouvelles solutions d’accompagnement.

Pour y répondre, les participants de l’étude ont été recrutés à la suite d’une passation du questionnaire Program Helpfulness Score (PHS) dans leur pharmacie de référence dans le nord de la France ou auprès d’un infirmier ou d’une infirmière en libéral. Ce questionnaire devait permettre d’identifier deux groupes de patients diabétiques : 1) les personnes considérées comme étant en rupture de parcours de soins et 2) les personnes ne l’étant pas.

Des entretiens ont été menés par la suite auprès de 12 volontaires, à partir d’une série de questions élaborées par le Diabète LAB. Les échanges ont été ensuite retranscrits pour permettre une analyse des déterminants susceptibles d’influencer la rupture des parcours de soins.

Résultats

Caractéristiques de la population

La moyenne d’âge était de 63 ans pour le groupe de participants considéré par le questionnaire comme n’étant pas en rupture, et de 64 ans pour ceux l’étant. Les femmes étaient plus nombreuses dans les deux groupes et la moitié des répondants était à la retraite. Concernant le niveau d’études, la plupart des patients dans le groupe rupture interrogés s’étaient arrêtés au certificat d’études. Pour le groupe n’étant pas en rupture, la quasi-totalité des répondants étaient allés jusqu’au baccalauréat et plus.

Facteurs associés à la rupture du parcours de soins

Plusieurs facteurs ont été retrouvés dans le discours des répondants de l’étude.

Tout d’abord, la plupart des patients rencontrés et étant en rupture du parcours de soins étaient en situation de précarité. La précarité est généralement la conséquence d’un faible capital économique (difficultés d’accès aux soins), social (relations avec autrui) et culturel (compréhension de la santé).

« Comme je ne sais pas lire et écrire, je sais pas comment il faut faire. Donc j’ai demandé à ma sœur. » – Mme LH

La situation de Mme LH illustrait sa dépendance envers une personne tiers, ici sa sœur. En effet, il lui était impossible de pouvoir avoir un accès facile aux soins et de comprendre les enjeux entourant son parcours de soins avec le diabète. Il est à noter que dans le groupe de patients n’étant pas en rupture, aucun n’était précaire.

Un deuxième facteur identifié était la littératie en santé des répondants. La littératie en santé correspond aux compétences des individus pour la prise de décisions concernant leur santé. Elle est généralement liée au niveau d’études des individus et influence la représentation du corps et la capacité des patients à chercher de l’information.

Coline : Est-ce que vous avez un diabétologue ?

Mme MG : Qu’est-ce que ça veut dire ?

Dans l’extrait ci-dessus, Mme MG nous rapportait ne pas avoir d’une part de diabétologue mais également ne pas savoir ce qu’était ce métier. Si les PaDT2 ne sont pas tous suivis par un diabétologue dans leur parcours de soins, cela évoque des lacunes sur la compréhension de la maladie et de ses acteurs. Le parcours de soins devient alors plus complexe à mettre en place et peut être rompu sur le long terme.

Le sujet de la littératie en santé est intimement lié à celui de la « e-littératie », à savoir la capacité de compréhension et de maitrise des Technologies de l’Information et le Communication (TIC). Cela peut concerner la question des difficultés pour la prise des rendez-vous médicaux sur internet, pour les démarches administratives dématérialisées, etc.

« Moi et l’informatique, ça fait deux. C’est ce que je leur explique sans arrêt. » – M. DJ

Le verbatim nous montre la difficulté pour une partie de la population, et ici pour M. DJ, de suivre l’évolution technologique dans le domaine de la santé. Cette dernière peut petit à petit exclure certaines personnes de leur parcours de soins étant donné que certaines démarches peuvent se faire uniquement en ligne. Le parcours de soins devient alors plus compliqué pour le patient.

Une dernière difficulté majeure retrouvée dans les échanges est la rupture subie par les patients.

« J’ai rendez-vous avec au mois d’Avril je crois car ce n’est pas évident d’avoir un rdv tout de suite. » – Mme DS

L’ensemble des patients rencontrés pour cette étude sont issus des espaces ruraux situés dans le nord de la France et considérés comme des déserts médicaux. Cela peut entraîner une complexité pour la prise de rendez-vous, comme illustrée dans l’échange avec Mme DS. Les délais d’attente pour obtenir un rendez-vous avec un spécialiste peuvent ainsi s’avérer particulièrement longs, avec une attente pouvant parfois atteindre plusieurs mois. Enfin, certaines professions médicales ne sont pas en nombre suffisant pour répondre à la demande de soins, comme les dentistes par exemple, ce qui limite l’offre et entraine là une complexité supplémentaire pour les parcours de soins.

Quelles pistes pour limiter les ruptures de soins ?

Les leviers sont actuellement plutôt limités mais ils existent. En effet, un accompagnement soutenu auprès des individus ayant des besoins spécifiques pourrait être mis en place. De nouvelles politiques de santé pour mieux accompagner ces personnes pourraient également être imaginées, notamment pour faciliter l’implantation de nouveaux professionnels de santé et pour faciliter l’accès à l’éducation à la santé.

TIMKL, en association avec les pharmaciens, pourrait ouvrir de nouvelles perspectives d’accompagnement.

« Disons que dans ce qu’elle [la pharmacienne] est, elle est très professionnelle. J’ai de bons rapports avec elle, elle est très professionnelle. Disons qu’elle serait même partisante à me donner certains conseils par rapport à ma pathologie. » – M. GH

Avec les pharmaciens comme nouvel acteur dans le parcours de soins des PaDT2, ces derniers pourraient être mieux suivis et cela pourrait répondre à une partie des facteurs associés à la rupture du parcours de soins. Les pharmaciens sont parfois perçus comme étant disponibles, à l’écoute, formés et informés. De plus, il s’agit des professionnels de santé qui sont vus le plus régulièrement dans les parcours de soins, et constituent ainsi des interlocuteurs privilégiés pour les PaDT2. Ils pourraient donc être des personnes inspirant confiance et ayant un rôle important en termes de conseils, de soutien et d’orientation.

« Les pharmaciens, oui. Quand ils peuvent être présents. Mais ils ont déjà du boulot. Ils vont pas passer leur temps à expliquer ceci et cela. C’est leur travail aussi. Je demande aussi. Des fois je demande à quoi sert tel médicament. Il me répond y a pas de problème. Mais je préfère quand c’est le docteur. » – M. ML

Les pharmaciens, comme l’illustre les propos de M. ML, peuvent être par moment identifiés uniquement comme de simples « délivreurs de médicaments » et non comme une référence pour les patients pour évoquer leur pathologie. Cela est notamment dû au fait qu’ils n’en sont pas spécialistes.

Conclusion

L’enjeu d’avoir un parcours de soins efficace est particulièrement important pour les PaDT2 étant donné les multiples complications pouvant être induites par le diabète. Diverses pistes sont à explorer afin de l’améliorer, dans le but de donner une meilleure place à chaque acteur dans les soins. La solution proposée par TIMKL d’un accompagnement de proximité avec les pharmaciens et par les infirmiers libéraux pourrait permettre de mieux accompagner les PaDT2 afin qu’ils aient la possibilité de reprendre en main leur parcours de soins. Cela passerait par une relation d’écoute et une alliance thérapeutique construite au cours du temps entre le soignant et le soigné. L’étude que le Diabète LAB a menée s’est déroulé aux prémisses de l’implémentation de cette solution nommée Aprodia et la perception du rôle des pharmaciens est donc en constante évolution.

Cette étude a reçu le soutien financier par TIMKL.

 

Auteurs : Coline Hehn, Nicolas Naïditch, Arnaud Bubeck