Les complications du pied diabétique touchent de nombreuses personnes atteintes de diabète. Elles peuvent se caractériser notamment par des difficultés à cicatriser, des douleurs ou une absence de sensibilité. En juillet 2023, le laboratoire Urgo nous a contacté pour mener une étude sur cette thématique. Nous avons ainsi mené une enquête qualitative basée sur des entretiens semi-directifs pour discuter de l’impact du pied diabétique dans la vie quotidienne, ainsi que l’apport des pansements de la gamme « Urgo Start » pour les personnes qui en avaient bénéficiés. Voici les résultats de cette étude.

Une enquête difficile

Afin de mieux comprendre l’impact du pied diabétique, nous avons réalisé 9 entretiens avec des personnes atteintes de cette complication de différents profils en termes socio-économiques, dont 6 qui avaient utilisé le pansement « Urgo Start ». Les personnes ayant accepté de participer à l’étude étaient en majorité des hommes (7/9), retraités (7/9), et atteints de diabète de type 1 (6/9). Le recrutement fut difficile, témoignant peut-être de la difficulté de parler de ce sujet, mais aussi de l’isolement des personnes atteintes par ce trouble. Les entretiens furent pour la plupart longs, et chargés en émotions. En effet, les participants à l’étude se sont exprimés sur les conséquences graves du pied diabétique sur eux et leurs proches, d’où l’importance de parler de ce sujet mal connu et sous-estimé.

Le pied diabétique, un impact global sur la vie

« On n’est rien quand on ne peut plus marcher » – Gabriel, 76 ans, DT2

Voilà comment Gabriel a conclu notre entretien, après avoir discuté des conséquences de la complication du pied diabétique dans sa vie. Evidemment, cette phrase est à relativiser, les personnes à mobilité réduite ne sont pas « rien ». Mais cette phrase évoque le ressenti de Gabriel à ce moment de notre discussion, et relate son expérience de vie où les douleurs et l’impossibilité de se déplacer ont eu un impact majeur sur sa vie. Les complications du pied diabétique entrainent en effet de multiples conséquences. Il s’agit d’un impact potentiellement global, qui dépend évidemment de la gravité des plaies ou des douleurs, mais qui peut avoir des répercussions dans tous les domaines de la vie. Le lien social la capacité à travailler, l’accès aux loisirs, et même le goût de vivre peuvent se trouver affectés, en raison notamment des difficultés à se déplacer qui fixent bien souvent les personnes à leur domicile. L’impact sur la santé mentale relaté par les participants à cette étude était très prégnant, avec d’importantes difficultés d’ordre psychologiques et sociales à vivre cette complication et les douleurs associées. Mais l’impact concerne également la vie des proches comme l’a évoqué Jean-Pierre, interrogé sur les conséquences du pied diabétique dans sa vie, qui a répondu en ces termes :

 « Terrible. Au début de la maladie, on sait pas comment marcher. Vous embêtez toute la famille. Un conjoint qui vit avec ça, les ennuis que ça coute… Après, je ne pouvais plus conduire, j’étais dépendant de tout le monde. C’est très dur. Et c’est au bout d’un certain temps quand même, que j’ai réussi à remonter. Mais parfois le moral était pas bien haut. » – Jean-Pierre, 75 ans, DT1

Jean-Pierre évoque ainsi ce premier temps de découverte des complications, et cette nécessité de s’adapter face aux conséquences pour lui et son entourage. Son niveau de dépendance à ses proches a augmenté, affectant son estime de lui-même, et faisant peser un poids important sur sa famille. Le rôle de l’entourage apparait donc comme étant déterminant, et représente ce qui permet bien souvent de tenir le coup.

Tenir, rester debout, malgré tout

Face à cette épreuve de la maladie, les personnes atteintes de cette complication s’appuient sur différents leviers selon les ressources dont elles disposent. Certains parviennent à maintenir une activité conciliable avec leurs difficultés à se déplacer, comme par exemple une fonction de maire ou de représentant d’un syndicat, comme l’a évoqué Karim :

« Mon mandat de maire c’est quand même ça qui fait ma force. Ouais, j’aurais rien à faire. Ouais, je pense que ça serait pénible. » – Karim, 57 ans, diagnostiqué à 54, DT1, en invalidité, célibataire

Pour Karim, son mandat de maire est ce qui lui permet de conserver une bonne santé mentale, malgré son inactivité professionnelle, et la perspective d’un arrêt complet d’activité lui apparait comme étant compliquée à vivre. Evidemment, ce type de possibilité dépend aussi du statut social des personnes, et n’est pas accessible à tout le monde. Mais la capacité à maintenir certaines activités en les adaptant permet de ne pas se couper d’une vie d’avant la complication, et de maintenir un certain rôle dans la société, en particulier pour les personnes en arrêt maladie. Certaines personnes en viennent également à relativiser les conséquences du pied diabétique, malgré les difficultés qu’elles peuvent relater par ailleurs, surtout pour celles qui ont une longue expérience de vie avec la maladie et qui ont l’habitude de gérer les complications du diabète.

« L’impact maintenant, je vis avec, je vis normal si vous voulez, je ne sais plus où est le normal, le pas normal. Voilà. » – Jean-Pierre, 75 ans, DT1

Pour ces personnes, la frontière entre ce qui relève du normal et du pathologique se trouve brouillée, ce qui peut permettre d’affronter avec plus de sérénité les difficultés. Certains participants ont évoqué le souhait de conserver au maximum une autonomie même relative, en réduisant le plus possible toute dépendance à autrui. Mais le levier qui semble le plus important pour la majorité des participants reste le lien social, et en particulier l’appui des proches. Toutes les relations d’avant la complication ne se maintiennent pas forcément, car la difficulté à se déplacer peut entrainer une perte du lien social dans les sphères amicales et professionnelles. Mais les liens qui perdurent malgré la maladie sont les plus essentiels, notamment au niveau familial, et deviennent primordiales pour traverser l’épreuve. Malgré tout, les proches sont également amenés à vivre non pas la maladie directement, mais les conséquences de la maladie, comme nous l’a expliqué Alain :

« Moi j’ai ma femme. On a un couple, je veux dire exemplaire, on a des enfants et tout ça, tout va bien sauf je vais dire, le couple a été déchiré entre nous. Je veux pas dire déchiré, l’amour, il est toujours là, mais on n’est plus les mêmes (…) Sans ma femme je reste entre les 4 murs, elle m’encourage, elle me soutient et me motive » – Alain, 81 ans, diagnostiqué dans les années 80, DT2, retraité, marié

Dans son témoignage, Alain exprime les conséquences qui pèsent (pour mettre du liant entre « conséquence sur ») sur sa compagne, et les transformations qu’implique la maladie. Son couple a été affecté, mais en même temps demeure la source de motivation qui lui permet de tenir, à travers les encouragements et le soutien de sa femme. Sa compagne a ainsi vécu les conséquences de la maladie, en étant privée d’un ensemble de sorties et de loisirs comme le fait d’aller au restaurant ou des activités de danse en couple, qui sont très difficiles à maintenir avec les douleurs et les incapacités. Les conjoints vivent eux aussi bien souvent au rythme des rendez-vous médicaux, et subissent dans une moindre mesure cet ancrage à domicile.

Les cercles vicieux et le spectre de l’amputation

L’une des problématiques des complications du pied diabétique concerne le risque d’un cercle vicieux qui s’instaure progressivement. La diminution des capacités motrices entraine des difficultés à se déplacer, réduisant l’accès aux loisirs, aux activités familiales et professionnelles, et pouvant rapidement affecter la santé mentale et l’estime de soi. Ces impacts sur les dimensions psychologiques et sociales vont diminuer la capacité des personnes à prendre soin d’elle-même, puisque les soins demandent des ressources en termes de temps, de disponibilité, d’argent, de réseau, etc. Ainsi l’état de santé global peut se dégrader, ce qui aggravera encore les complications du pied dans une boucle rétroactive négative.

Pour de nombreux participants à cette enquête, un mot résonne particulièrement négativement, celui de l’amputation. Il s’agit d’une perspective extrêmement marquante, un horizon noir de l’image du corps qui change à jamais, et représente aussi peut-être l’étape finale de ce cercle vicieux qui s’instaure progressivement. L’enjeu pour plusieurs participants à l’enquête va au-delà du fait de guérir d’une plaie, et même du fait de pouvoir marcher, il s’agit bien souvent avant tout de pouvoir garder son pied. Toutes les personnes interrogées qui ont entendu ce mot d’amputation se souviennent du moment où un professionnel de santé en a parlé, et l’évoquent avec émotion. Alain nous a relaté cette expérience, en parlant notamment d’un autre médecin qui a évoqué avec lui une alternative, lui permettant de reprendre espoir :

« Le docteur, il s’est assis à côté de moi sur le lit et il m’a parlé dans le fond du cœur, il a dit, « Écoutez Monsieur X, c’est pas comme ça qu’on aurait dû vous parler, il y a bien d’autres solutions » et c’est pour ça, moi j’ai changé, suite à la conversation maintenant quand je parle, moi je suis heureux malgré que j’ai les douleurs. Depuis que j’ai eu ce réconfort de ce docteur. Depuis je me sens beaucoup plus à l’aise et de nouveau un peu envie de vivre, ce qui était plus avant le cas. Entendre amputer, c’était horrible. » 

A travers ce témoignage fort, Alain évoque l’importance d’un accompagnement approprié, et du choix des mots pour redonner espoir à ces personnes. Mais de nombreuses questions demeurent à cet égard, comment choisir les termes appropriés pour évoquer l’amputation, et quel moment est le plus opportun pour en parler ? Car si les mots ont un tel impact, il parait essentiel de s’interroger sur leur utilisation dans un cadre médical, où les personnes atteintes de diabète se trouvent bien souvent dans des états de vulnérabilités, et ont besoin d’un accompagnement humain et adapté.

Un impact des inégalités sociales de santé

Les conséquences du pied diabétique ne sont pas vécues de la même façon selon le niveau de ressources dont disposent les personnes atteintes de cette complication. Celles qui disposent de moyens financiers peuvent réaliser un ensemble d’aménagement chez elles leur permettant de mieux vivre les difficultés à se déplacer dans leur espace de vie.

« Ah Ben j’ai fait oui des aménagements, ils ont été faits très rapidement. J’ai cassé la salle de bain, j’ai fait une douche italienne avec un fauteuil, enfin une chaise dessus pour se doucher, on a changé la place du lit pour pouvoir aller me coucher avec un fauteuil, l’entrée, oui, on a tout a changé (…) Bon, disons que j’ai une retraite qui me peut me permettre de le faire. » – Jean-Pierre, 75 ans, DT1

En revanche, pour les personnes défavorisées socialement, il est beaucoup plus difficile voire impossible de réaliser ces changements, et les contraintes peuvent s’accumuler si les lieux de vies sont mal adaptés. L’ancrage à domicile qu’impose la maladie a donc des conséquences très différentes selon les lieux, les surfaces d’habitation et l’aménagement des espaces intérieurs. De plus, si de nombreux soins sont heureusement remboursés en France, il reste encore de multiples produits de santé qui ne sont pas ou mal remboursés, comme certains pansements ou chaussures adaptées. Il est également important de mentionner que le capital social sera déterminant dans l’appréhension de cette complication, aussi bien dans la recherche de soutien familial ou provenant d’acteurs du monde médical. A cet égard, les personnes souffrant d’isolement peuvent vivre d’autant plus douloureusement les complications du pied diabétique.

L’apport d’Urgo Start

Notre enquête a également permis de recueillir des témoignages sur l’utilisation du pansement « Urgo Start », dont l’utilisation est sensée réduire le temps de cicatrisation notamment pour les plaies du pied diabétique. Parmi les 6 utilisateurs de ce pansement dans notre enquête, 4 ont relayé une satisfaction à l’égard de ce produit, et 2 n’ont pas perçu de différence avec un autre pansement. Notre étude ne permet pas de nous prononcer sur l’efficacité du pansement, même si les études cliniques sur le sujet semblent indiquer une diminution du temps de cicatrisation. En revanche, notre étude montre une satisfaction au niveau de l’usage, pour un pansement qui s’avère facile d’utilisation, pratique, et sans effets secondaires négatifs. Un biais méthodologique est à prendre en compte, puisque les personnes qui étaient satisfaites du pansement étaient sans doute plus enclines à répondre à notre enquête.

Si des cercles vicieux peuvent s’instaurer suite à cette complication, le fait de trouver un traitement approprié qui permet une guérison plus rapide peut également permettre un cercle vertueux. C’est ce que certains participants à l’enquête ont relaté, en reprenant goût à la vie suite à la guérison de leurs plaies, aux sensations retrouvées et à la possibilité de se redéplacer, même si un temps d’adaptation est nécessaire. Si ce pansement semble être efficace et facile d’utilisation, la question se pose quand aux connaissances des professionnels de santé pour recommander ou conseiller son usage. En effet, plusieurs participants ont relaté une méconnaissance à cet égard de plusieurs spécialistes du sujet, et des parcours d’errance thérapeutique avant de rencontrer la bonne personne qui a pu les orienter vers le dispositif médical qui répondait à leurs attentes.

Conclusion

Pour les personnes souffrant des complications du pied diabétique, c’est tout le rapport au temps et au corps qui est susceptible d’être modifié. Une nouvelle temporalité s’instaure, marqué par la succession de rendez-vous médicaux, les plaies qui guérissent mal voire qui s’aggravent, et cet ancrage à domicile où chaque déplacement peut s’avérer complexe. Plusieurs facteurs vont influencer le ressenti subjectif du pied diabétique, dont évidemment la gravité la complication, mais aussi les ressources dont la personne dispose pour les affronter, les opportunités pour adapter ses activités et son environnement, les mots pour en parler et les espaces d’échanges disponibles, etc. Les proches apparaissent comme les piliers qui permettent de tenir malgré l’épreuve, mais la question demeure de savoir quel est l’impact pour eux et comment les accompagner. Pour les personnes touchées, l’enjeu consiste à retrouver une forme d’équilibre, mais aussi à trouver le bon interlocuteur qui orientera vers les bons services et produits de santé appropriés.

L’épreuve caractérisée par les complications du pied diabétique est avant tout intérieure, à la fois dans le corps à travers la guérison des plaies et le ressenti des douleurs, mais également dans le domicile. Le corps et sa représentation sont mis en jeu à travers cette difficulté ou cette impossibilité à guérir, et cette perspective angoissante de l’amputation. Il s’agit d’une épreuve du temps, d’attentes marquées par les mois et les années perdues, d’invalidités au travail, d’opportunités personnelles et professionnelles manquées. L’espace extérieur manifeste cette épreuve, qui devient alors un lieu autre, lointain, inaccessible et parfois hostile. Dans cette errance, ce qui sauve c’est bien souvent l’autre, dans cette recherche et ce besoin d’un soutien pour continuer à avancer, malgré tout.

 

Auteur : Arnaud Bubeck