Résultats de l’enquête DiaMind sur la santé mentale des personnes atteintes de diabète

Auteurs : Arnaud Bubeck, Coline Hehn

 

La santé mentale est la grande cause nationale de cette année 2025. Il s’agit d’une thématique mais sans que l’on sache toujours ce qu’il y a derrière. S’agit-il des maladies psychiatriques, ou de l’état d’humeur de tout un chacun ? De plus, y a-t-il un lien entre la santé mentale et le diabète, et si oui lequel ?

Dans le préambule de la Constitution de l’Organisation Mondiale de la Santé de 1946, la santé est définie comme étant « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. ». Cette notion de « bien-être mental » existe ainsi depuis longtemps, mais sans forcément être pris en compte par le monde médical, qui se concentre généralement sur l’aspect physique de la maladie.

Pour en savoir plus sur l’état de santé mentale des personnes atteintes de diabète aujourd’hui en France, nous avons voulu lancer notre propre enquête afin d’établir un premier état des lieux. Nous avons créé un questionnaire en partenariat avec des spécialistes du sujet (diabétologue, psychiatre et médecin généraliste), afin de vous interroger sur le sujet. Notre enquête DiaMind a ainsi été diffusée en juin 2025, et 2643 personnes ont répondu au questionnaire, avec 43,35% de personnes atteintes de diabète de type 1, et 54,59% de personnes atteintes de diabète de type 2. 58,57% des répondants étaient des femmes, et 41,31% étaient des hommes.

Nous avons choisir de vous présenter les résultats en deux temps dans cet article. Tout d’abord, nous vous invitons à découvrir les chiffres clés puis dans un second temps, une explication de ces premiers résultats.

Résultats

Score de dépression et d’anxiété

Pour questionner les personnes atteintes de diabète sur leur santé mentale, nous avons utilisé le score HADS, « Hospital Anxiety and Depression Scale », une échelle standardisée et validée par la littérature pour mesurer la symptomatologie d’anxiété et de dépression à partir d’une série de questions (comme par exemple « je prends plaisir aux mêmes choses qu’autre fois », « je suis de bonne humeur », « je me sens tendu.e ou énervé.e », etc.).

Pour le score d’anxiété, sur l’ensemble des participants à l’enquête, environ 42,9% avaient une absence de symptomatologie, 29,1% avaient une symptomatologie douteuse, et 28% une symptomatologie certaine. Pour le score de dépression, sur l’ensemble des participants à l’enquête, environ 63,7% avaient une absence de symptomatologie, 20,6% une symptomatologie douteuse, et 15,8% une symptomatologie certaine.

Des différences importantes apparaissent en comparant selon les groupes, dont notamment les différences selon le genre. Pour l’anxiété, les femmes étaient 35,3% à avoir une absence de symptomatologie, 30,9% à avoir une symptomatologie douteuse, et 33,8% à avoir une symptomatologie certaine. Pour les hommes, ils étaient 53,7% à avoir une absence de symptomatologie, 26,4% à avoir une symptomatologie douteuse, et 19,9% à avoir une symptomatologie certaine. Pour la dépression en revanche, les différences selon le genre ne sont pas significatives.

D’autres différences significatives apparaissent, notamment selon le niveau de revenu. Pour le score d’anxiété pour les personnes gagnant plus de 2900€ par mois, elles étaient 53,8% à avoir une absence de symptomatologie, 27,5% à avoir une symptomatologie douteuse, et 18,7% à avoir une symptomatologie certaine. Pour les personnes gagnant moins de 1400€ par mois, elles étaient 29,8% à avoir une absence de symptomatologie, 32,8% à avoir une symptomatologie douteuse, et 37,4% à avoir une symptomatologie certaine.

Pour la dépression, des différences significatives apparaissent aussi selon le revenu, avec les personnes gagnant plus de 2900€ par mois qui étaient 76,8% à avoir une absence de symptomatologie, 16,3% à avoir une symptomatologie douteuse, et 6,9% une symptomatologie certaine. Pour les personnes gagnant moins de 1400€ par mois, elles étaient 48,2% à avoir une absence de symptomatologie, 24,4% à avoir une symptomatologie douteuse, et 27,4% à avoir une symptomatologie certaine.

Explication de ces premiers résultats : On voit à travers ces premiers chiffres un élément marquant qui s’est retrouvé tout au long de l’enquête, et qui est que l’état de santé mentale dépend des caractéristiques sociales des répondants, notamment sur le genre et le niveau de revenus. Les femmes ont un niveau de dépression et d’anxiété supérieur aux hommes, ce qui peut s’expliquer de deux façons. Tout d’abord, les femmes atteintes de diabète souffrent peut-être tout simplement davantage que les hommes, et sont plus impactées au niveau de leur santé mentale. Les études en sciences sociales montrent notamment que les femmes ont davantage tendance à s’occuper du soin des autres, au détriment parfois de leur propre santé. De plus, les travaux domestiques étant généralement davantage gérés par les femmes, la charge mentale que représente la gestion du diabète peut s’avérer plus difficile à gérer pour elles. Une autre explication est que les hommes ont tendance à moins s’exprimer sur les problématiques de santé mentale, et à minimiser le sujet en parlant moins de leurs émotions. Cela ne signifie pas forcément qu’ils en souffrent moins, mais nous voyons que des représentations sociales associées au genre influencent les résultats.

Pour les inégalités en fonction du revenu, ces résultats mettent en lumière le cumul de difficultés que peuvent vivre des personnes en situation de précarité. Lorsque le quotidien est difficile à gérer, que le moindre achat doit être calculé, et des difficultés apparaissent en lien avec le travail, la gestion du diabète devient forcément plus complexe.

Le diagnostic d’un trouble de santé mentale

Pour le diagnostic d’un trouble de santé mentale, sur l’ensemble des participants, 32,1% des répondants ont déclaré avoir déjà été diagnostiqués avec un trouble de santé mentale (ex : dépression, anxiété, etc.). Parmi ces personnes ayant été diagnostiquées, elles étaient 57,8% à penser que ce trouble était en lien avec la gestion de leur diabète.

Les femmes étaient plus nombreuses à être concernées par un trouble, avec 37,7% d’entre elles qui ont affirmé avoir déjà été diagnostiquées avec un trouble de santé mentale, contre 24,1% des hommes. De plus, les femmes ayant déjà été diagnostiquées étaient plus nombreuses à attribuer ce trouble à leur diabète (60,1%) que les hommes (50,2%).

Aucune différence significative n’a été établie par rapport au diagnostic d’un trouble de santé mentale entre les personnes atteintes de DT1 ou DT2. En revanche, pour les personnes diagnostiquées, les personnes atteintes de DT1 étaient plus nombreuses à attribuer leur trouble à leur diabète (69,9%) que les personnes atteintes de DT2 (46,7%).

Les personnes gagnant moins de 1400€ par mois étaient davantage diagnostiquées par un trouble de santé mentale (42,1%) que les personnes gagnant plus de 2900€ par mois (20,9%). De même, les personnes gagnant moins de 1400€ par mois étaient 70,1% à attribuer leur trouble de santé mentale à leur diabète, contre 57,8% pour les personnes gagnant plus de 2900€ par mois.

Sur l’ensemble des participants, 70,2% des répondants déclaraient avoir vécu des événements traumatisants au long de leur vie, sans lien avec le diabète. Les femmes étaient plus nombreuses à le déclarer (76,2%) que les hommes (61,5%), mais aucune différence significative n’apparaissait selon le type de diabète. Les personnes gagnant moins de 1400€ par mois étaient plus nombreuses à avoir vécu des événements traumatisants (76,8%) que les personnes gagnant plus de 2900€ par mois (67,3%).

Explication de ces résultats sur le diagnostic : A nouveau, nous retrouvons ces inégalités en fonction de la situation sociale des personnes, avec les femmes et les personnes en situation de précarité qui déclarent être davantage diagnostiquées par un trouble de santé mentale. Nous voyons aussi des différences apparaitre selon le type de diabète, notamment sur le lien fait entre un trouble de santé mentale et la maladie. Le lien est beaucoup plus fort pour les personnes atteintes de DT1, car la maladie est dès le diagnostic extrêmement prégnante dans leurs vies. Pour les personnes atteintes de DT2, le lien est moins fort, mais les personnes ne font pas forcément le lien directement, même si la maladie peut avoir un impact indirect sur la santé mentale, en impactant la sphère professionnelle, ou entraînant une fatigue au quotidien.

Le fait que plus de 70% des personnes ayant répondu à notre enquête déclarent avoir vécu des événements traumatisants tout au long de leur vie est un chiffre qui interpelle. Il nous rappelle tout d’abord que les personnes atteintes de diabète n’ont pas que leur maladie comme problématique de santé mentale, et que d’autres événements de vie peuvent causer une souffrance psychique. Ce chiffre vient également pointer du doigt le lien entre un événement traumatisant et l’apparition d’un diabète. Dans les cas de DT1, le lien peut être direct, et la maladie peut parfois se déclencher après un choc brutal comme un deuil ou un accident. Dans le cas du DT2, le lien est plus indirect, car des traumatismes peuvent engendrer des problématiques d’addiction ou d’obésité, qui engendrent, avec le temps, un DT2.

L’impact des traitements et dispositifs médicaux sur la santé mentale

Sur l’ensemble des participants, 49% des répondants déclaraient que la gestion des médicaments leur demandait un effort mental modéré ou très important au quotidien. Les personnes atteintes de DT1 étaient plus nombreuses à déclarer que les médicaments leur demandaient un effort mental modéré ou très important au quotidien (61,7%) que les personnes atteintes de DT2 (38,6%).

Concernant l’usage des dispositifs médicaux, les femmes étaient 60,8% à déclarer que les dispositifs médicaux leur demandaient un effort mental modéré ou très important au quotidien, contre 50,3% pour les hommes. Les personnes gagnant moins de 1400€ par mois étaient 61,3% à déclarer que les dispositifs médicaux leur demandaient un effort mental modéré ou très important, contre 52% des personnes gagnant plus de 2900€ par mois.

Explication de ces résultats sur l’impact des traitements et dispositifs médicaux : Ces résultats soulignent l’impact que peut avoir la gestion quotidienne du diabète, à travers la charge que représente la gestion des médicaments et des dispositifs médicaux. Les pompes à insuline et les capteurs de glycémie apportent indéniablement de nombreux bienfaits pour de nombreuses personnes atteintes de diabète, mais demandent également une gestion et un travail important pour être entretenus. Ce travail représente aussi une charge mentale au quotidien qui n’est pas toujours prise en compte, mais qui a pourtant des conséquences au quotidien loin d’être anodines.

L’impact des traitements est aussi important, mais différent selon le type de diabète. Pour les personnes atteintes de DT1 qui sont dès le moment du diagnostic mises sous multi-injection d’insuline, le traitement représente une charge très importante dès le début. Les personnes atteintes de DT2 peuvent être sous médicaments sous forme orales, dont la gestion est moins contraignante qu’un traitement à s’injecter, mais qui peut s’avérer complexe à gérer en cas d’effets secondaires.

Les inégalités de genre et en fonction de revenu apparaissent à nouveau, soulignant le fait que connaître des difficultés au quotidien en dehors du diabète rend plus difficile la gestion de la maladie.

La consultation en santé mentale

Sur l’ensemble des participants, 33,3% des répondants affirment avoir déjà consulté un professionnel de santé mentale (psychologue, un psychothérapeute ou psychiatre) depuis leur diagnostic de diabète. Parmi les personnes ayant consulté, 67,3% affirment que cela leur a semblé utile.

Les femmes affirment davantage avoir déjà parlé de leur santé mentale à un professionnel de santé mentale (47,8%) que les hommes (29,4%). Les femmes sont également plus nombreuses à affirmer avoir déjà consulté un professionnel de santé mentale depuis leur diagnostic (40,2%) que les hommes (23,4%).

Les personnes gagnant moins de 1400€ par mois avaient davantage parlé de leur santé mentale à un professionnel de santé mentale (48,4%) que les personnes gagnant plus de 2900€ par mois (36,6%). De plus, les personnes gagnant moins de 1400€ par mois avaient davantage ressenti le besoin de parler de leur santé mentale à un professionnel de santé mentale (45,7%) que les personnes gagnant plus de 2900€ par mois (33,1%).

Explication de ces résultats sur la consultation : Dans ces résultats, nous voyons la faible proportion de personnes atteintes de diabète ayant bénéficié d’un accompagnement par un professionnel de santé mentale. Seul un tier des personnes a consulté depuis leur diagnostic, alors même que les autres chiffres de notre étude montrent le niveau très élevé d’anxiété, et nombre important de personnes ayant vécu des événements traumatisants. Nous voyons également l’importance accordée à la consultation en santé mentale, puisque plus des deux tiers des personnes en ayant bénéficié ont trouvé cela utile. Ce chiffre est important car le soin psychique est d’abord une histoire de rencontre, entre un thérapeute et une personne exprimant un besoin d’accompagnement, et cette rencontre n’est jamais évidente. De plus, il est nécessaire pour la personne de consulter au bon moment, et que la motivation vienne de la personne elle-même, et non d’une injonction extérieure. Malgré tous ces freins, plus des tiers des personnes ayant fait la démarche trouvent une satisfaction à ce type de consultation, ce qui montre le besoin de s’exprimer et de trouver une oreille attentive pour les personnes atteintes de diabète ressentant une souffrance mentale.

Le fait que les femmes parlent davantage de leur santé mentale que les hommes est à mettre en relation aux stéréotypes de genre, où les hommes sont souvent plus réticents à parler de leurs émotions. Cela ne signifie pas forcément que les hommes souffrent moins, mais que par leur éducation et leurs socialisations, ils sont moins amenés à en parler. De plus, le plus haut niveau de personnes en situation de précarité qui expriment une souffrance et qui ont davantage consulté est un résultat sans doute lié à un biais de notre étude, qui a été réalisée auprès des personnes en lien avec la Fédération Française des Diabétiques. Ce résultat ne se retrouverait peut-être pas en réalisant une étude plus globale à l’échelle nationale, car les personnes en situation de précarité vivant par exemple dans des déserts médicaux sont parfois très éloignées des systèmes de soins classiques, et encore plus des services de santé mentale. Malgré tout, les résultats de notre enquête montrent que les personnes en situation de précarité souffrent davantage, et nous pouvons faire l’hypothèse qu’une étude à une échelle plus globale pourrait montrer des résultats encore plus défavorables pour cette catégorie de la population.

Conclusion : un sujet qui doit tous nous mobiliser

Cette enquête sur la santé mentale des personnes atteintes de diabète a suscité un engouement important avec plus de 2600 réponses, un grand merci pour votre mobilisation ! Il s’agit d’une première étape importante, qui comporte évidemment des biais comme toute étude puisqu’elle a été réalisée auprès des personnes en lien avec la Fédération, mais qui constitue une étape pour promouvoir de sujet de la santé mentale. Cette étude a vocation à devenir un baromètre qui sera reconduit à certaines échéances (tous les deux ans par exemple), afin de suivre l’évolution de la situation sur plusieurs années. D’autres éléments pourront être intégrés à l’analyse à l’avenir, comme par exemple la santé mentale des proches, ou en prenant en compte les personnes souffrant de diabète et d’une autre pathologie chronique.

Une spécificité semble apparaitre vis-à-vis des problématiques de santé mentale pour les personnes atteintes de diabète. Le niveau d’anxiété est particulièrement élevé, en particulier en comparaison de la population générale. Ces niveaux sont encore plus hauts en fonction des caractéristiques des répondants, et surtout des femmes et personnes en situation de précarité.

Plusieurs questions et défis demeurent face à ces constats. Il existe aujourd’hui différents courants en psychologie qui n’ont pas les mêmes objectifs ni les mêmes méthodes (comme les Thérapies Cognitivo-Comportementales, l’approche analytique, etc.). Mieux identifier de quoi souffre une personne permet de l’orienter au mieux vers ce dont elle a besoin.

Nous souhaitons qu’avec cette enquête et ces chiffres, le sujet de la santé mentale soit pleinement pris en compte par toutes les parties prenantes : les professionnels de santé, les pouvoirs publics, les associations, les laboratoires, le monde de la recherche, etc. Avec la mobilisation de tous, faisons collectivement progresser la prise de conscience de l’importance du sujet, pour briser les tabous, pour éviter les discours culpabilisants, et pour accompagner de la manière la plus appropriée les personnes souffrant de cette complication psychique trop peu étudiée et considérée.

 

Une nouvelle fois, l’ensemble du Diabète LAB remercie chaleureusement les personnes prenant le temps de prendre part aux études menées. Sans vos participations, le Diabète LAB ne pourrait vous proposer des contenus riches et variés, alors MERCI.

Vous n’êtes pas seuls face au diabète !

 

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