Avec plus de 3 500 000 patients pris en charge pharmacologiquement en 2019, soit près de 5,2 % de la population française, l’accompagnement des personnes diabétiques en temps de crise sanitaire constitue un véritable enjeu de santé publique. La COVID-19, responsable d’un syndrome respiratoire aigu sévère, est le sujet de nombreuses interrogations, en particulier dans cette population.

S’il est maintenant établi que les personnes diabétiques ne sont pas plus susceptibles que les autres d’être infectées par la COVID-19, il apparaît que le diabète et les maladies qui lui sont le plus souvent associées (hypertension artérielle, obésité, insuffisance cardiaque, etc.) peuvent induire une évolution plus défavorable de la maladie. En effet, le nombre de personnes diabétiques admises en réanimation est deux à trois fois plus important que celui des personnes atteintes d’autres maladies et leur risque de décès est plus élevé. En France, l’étude CORONADO portant sur 2796 patients diabétiques hospitalisés pour une infection à la COVID-19 rapporte que des antécédents de complications microvasculaires (maladies des yeux et des reins notamment), la prise quotidienne d’anticoagulants ou des problèmes d’essoufflements sont associés à une plus forte mortalité.

Il est donc primordial de prémunir les personnes diabétiques d’une infection par la COVID-19. L’arrivée de plusieurs vaccins ouvre de nouvelles perspectives et pose de nouvelles questions. Alors que les données scientifiques disponibles suggèrent que la vaccination contre la COVID-19 permettrait de limiter le risque d’infection et surtout de diminuer la probabilité de développer une forme grave de la maladie, certaines personnes, diabétiques ou non, doutent, voire s’opposent à la vaccination. Il en résulte qu’elles s’exposent notamment à un risque d’infection, d’hospitalisation et de mortalité plus important et de contamination d’autrui.

Dans ce contexte, il est particulièrement important de trouver les mots justes permettant aux personnes encore hésitantes de porter un nouveau regard sur la vaccination contre la COVID-19. C’est dans cette optique que la Fédération Française des Diabétiques, par l’intermédiaire de son Diabète LAB a réalisé une étude quantitative sur le rapport à la vaccination des personnes diabétiques et sur leur vulnérabilité face à l’épidémie de COVID-19 (DIABEPI). L’objectif principal de cette étude était d’identifier des profils de personnes diabétiques selon leur rapport à la vaccination et l’un des objectifs secondaires était de comprendre les raisons associées à leur prise de position.

Méthodologie

Afin de répondre à ces objectifs, un questionnaire en ligne a été diffusé en avril 2021. Celui-ci a été co-construit avec des personnes diabétiques ainsi qu’avec un comité scientifique constitué notamment de plusieurs diabétologues, d’un médecin de santé publique, d’un éthicien, d’un méthodologiste et de plusieurs membres de la Fédération Française des Diabétiques. Les analyses statistiques ont été réalisées par le Diabète LAB.

Résultats

Caractéristiques sociales des répondants

Les réponses de 3 507 personnes ont pu être analysées. L’âge moyen des répondants était de 59 ans.

52%

de femmes

48%

d’hommes

Les répondants avaient un niveau d’études plutôt élevé. Pour 44 % d’entre eux, celui-ci était inférieur ou égal au baccalauréat et puis pour 56 %, le niveau d’études était supérieur ou égal à un Bac +2.

Les agriculteurs, les artisans, les ouvriers et les employés représentaient 43 % des répondants. Les professions intermédiaires et les cadres représentaient 57 % de la population.

Caractéristiques associées à l’état de santé des répondants

personnes diabétiques de type 1

personnes diabétiques de type 2

La surreprésentation des personnes atteintes de diabète de type 1 par rapport à sa prévalence effective (10%) est une constante habituelle dans les études du Diabète LAB.

29 % des répondants déclaraient avoir un diabète pas très bien ou pas du tout équilibré. 70 % avaient un diabète plutôt ou tout à fait équilibré et 1 % disaient ne pas savoir si leur diabète était équilibré.

Seuls 24 % des répondants déclaraient n’avoir aucun autre problème de santé que le diabète. Les 4 problèmes de santé les plus fréquents étaient l’hypertension artérielle (44 %), l’obésité (27 %), la douleur chronique (19 %) et les problèmes cardiaques (16 %).

Exposition à la COVID-19

La majorité des répondants déclarait ne pas avoir été contaminée par la COVID-19 (79 %). Les personnes ayant présenté des symptômes de la COVID-19 ou ayant été testées positives étaient 10 %. Pour 86 % des personnes contaminées, l’infection a été prise en charge à domicile. Cependant, 14 % d’entre elles avaient été hospitalisées, dont 3 % avaient été admises en réanimation.

Statut vaccinal

Les répondants étaient 41 % à avoir reçu une première injection de vaccin et 23 % à avoir reçu les deux injections. Soit 64 % de personnes engagées dans la vaccination. 25 % des personnes interrogées attendaient d’être vaccinées et 11 % déclaraient ne pas souhaiter être vaccinées. 

Rapport à la vaccination

85 % des répondants déclaraient être plutôt ou très favorable à la vaccination contre la COVID-19. 15 % des personnes n’étaient pas favorables ou pas du tout favorables à la vaccination contre la COVID-19.

Identification des profils de personnes diabétiques selon leur rapport à la vaccination

1- Les personnes les plus favorables à la vaccination étaient plutôt des hommes, avec un haut niveau d’études supérieur au bac+2 et exerçant ou ayant exercé une profession caractérisée par un haut niveau de revenus et de sécurité sur le marché de l’emploi (professions intermédiaires et cadres). Ces personnes étaient proportionnellement plus nombreuses à déclarer avoir un diabète équilibré et ne souffrir d’aucune autre maladie.

2- Les personnes les moins favorables à la vaccination étaient plutôt des femmes, avec un niveau d’études inférieur au baccalauréat et exerçant ou ayant exercé une profession caractérisée par un faible niveau de revenus et de sécurité sur le marché de l’emploi (employés, ouvriers, artisans et agriculteurs). Ces personnes étaient proportionnellement plus nombreuses à déclarer avoir un diabète mal équilibré et souffrir d’autres maladies.

Une crise de confiance

Si 67 % des personnes interrogées pensaient qu’il y avait suffisamment d’éléments pour juger de l’efficacité des vaccins, ils n’étaient que 51% à penser qu’il y avait suffisamment d’éléments pour juger de l’absence d’effets toxiques des vaccins contre la COVID-19. La qualité de la communication des autorités de santé semblait remise en cause. En effet, 23% des répondants souhaitant se faire vacciner déclaraient que la difficile compréhension de la politique de priorisation vaccinale était susceptible de les faire renoncer à la vaccination. Les personnes interrogées avaient un niveau de confiance moyen dans les décisions prises par les autorités de santé avec une note de 4,4/7 (1 : absence totale de confiance et 7 confiance totale).

Discussion

Les personnes qui déclaraient avoir un diabète mal équilibré et au moins une autre maladie pouvant être considérée comme une complication du diabète étaient moins favorables à la vaccination que les autres. Ce résultat peut être considéré comme paradoxal, puisque la balance-bénéfices/risques penche clairement du côté des bénéfices dans cette population. Ces personnes sont en effet plus que les autres susceptibles de développer une forme grave de COVID-19 pouvant entraîner l’hospitalisation, voire le décès. Or, les différents vaccins existants permettent justement de limiter efficacement l’aggravation de la maladie (bénéfices) et leurs effets indésirables graves sont peu nombreux (risques). Ces éléments peuvent faire discuter l’origine du déséquilibre du diabète et des complications : s’agit-il de formes graves de diabète ou au contraire de patients peu adhérents aux traitements, ce qui expliquerait ainsi le mauvais équilibre et les complications ?

Ce paradoxe apparent est l’une des manifestations des inégalités sociales de santé. Il existe en effet un lien entre la position dans la société (niveau d’études, de revenus, accès à l’emploi) et la santé. Les personnes aux revenus et aux niveaux d’études les plus modestes sont plus susceptibles d’être en moins bonne santé. Ce phénomène, nommé gradient social de santé, pourrait permettre de comprendre pourquoi les personnes avec le niveau d’études le plus bas et les professions les moins rémunératrices déclaraient avoir un moins bon équilibre du diabète et plus de maladies que les autres personnes. Les faibles ressources financières impactent le mode de vie des personnes et ne leur permettent pas toujours d’accéder aux soins de santé, à une alimentation équilibrée et à une activité physique adaptée. D’autre part, le discours des professionnels et des autorités de santé n’est pas toujours accessible à tous, ce qui peut entraver la compréhension des messages de santé publique par le plus grand nombre. Cela se manifeste souvent par de la méfiance, voire de la défiance envers les discours institutionnels. Ces attitudes permettent certainement de comprendre pourquoi ces personnes sont moins favorables à la vaccination.

Conclusion

La stratégie vaccinale gouvernementale doit porter une attention particulière aux personnes ayant un faible niveau d’études, de revenus et d’accès à l’emploi. Ce sont à la fois celles qui bénéficieraient le plus de la vaccination contre la COVID-19 et qui y sont les moins favorables. À l’heure où nous écrivons ces lignes, il est plus que jamais important de rappeler que :

  1. Les vaccins sont efficaces. Le centre de recherche en épidémiologie et en statistiques de la Sorbonne a notamment mis en ligne une plateforme permettant de calculer en direct les bénéfices et les risques associés à la vaccination contre la COVID-19. Ainsi, pour 10 000 femmes âgées de 50 à 59 ans, le vaccin Astra Zeneca permettrait d’éviter plus de 7 000 contaminations, 10 décès, 183 hospitalisations, 815 formes longues du COVID.
  2. Les vaccins sont sûrs. Sur ces 10 000 personnes vaccinées, seules 2 auraient un effet secondaire grave, mais non mortel dans les 2 mois qui suivent l’injection. La surmédiatisation de certains effets indésirables graves associés aux vaccins, notamment au vaccin Astra Zeneca, induit une perception biaisée des risques. Il y a 48 fois plus de risques de mourir d’une chute, 22 fois plus de risques de mourir dans un accident de la circulation, 11 fois plus de risques de mourir dans une piscine privée et 5 fois plus de risques d’être la victime d’un homicide que de mourir à la suite de la vaccination par le vaccin Astra Zeneca.
  3. La balance bénéfices-risques est donc très largement positive. Il faudrait vacciner 420 000 personnes pour observer un décès à cause du vaccin. C’est toujours trop, mais dans le même temps cela aura permis d’éviter environ 7 686 hospitalisations, 34 230 formes longues du COVID et surtout de sauver 4 200 vies.

Calculateur en ligne de balance bénéfices-risques :

Relativiser le nombre de complications

En savoir plus sur les inégalités sociales de santé

De belles études (en anglais) sur le sujet

  • Schwarzinger, M., Watson, V., Arwidson, P., Alla, F. & Luchini, S. COVID-19 vaccine hesitancy in a representative working-age population in France: a survey experiment based on vaccine characteristics. The Lancet Public Health 6, e210–e221 (2021).
  • Wargny, M., Potier, L., Gourdy, P., Pichelin, M., 2021. Predictors of hospital discharge and mortality in patients with diabetes and COVID-19: updated results from the nationwide CORONADO study. Diabetologia 64(4) : 778-794

Et les femmes dans tout ça ?


Les articles de la Fédération sur la vaccination et la COVID-19 :

Dans la famille vaccins, je voudrais… Comprendre les différents types de vaccins.

Personnes diabétiques et risque d’hospitalisation : le point avec CORONADO et le BEH

Covid-19 : coronado une étude riche d’enseignements pour les patients et les soignants

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