Vivre avec une maladie chronique comme le diabète, c’est faire face à bien plus que des prescriptions médicales. C’est apprendre à vivre avec l’incertitude, les contraintes du quotidien, parfois la fatigue ou le découragement. Face à cela, comment retrouver un équilibre, une forme de liberté ? Une piste prometteuse vient de la psychologie : l’Acceptance and Commitment Therapy (ACT), ou thérapie d’acceptation et d’engagement en français. Coline Hehn, psychologue au Diabète LAB, lui a consacré sa thèse, et en a étudié les effets dans le cadre du programme DiabACT.
Comprendre l’ACT : accepter ce qu’on ne contrôle pas, agir vers ce qui compte
L’ACT est une forme de thérapie comportementale développée dans les années 1990. Elle repose sur un principe simple mais puissant : au lieu de lutter contre les pensées, émotions ou douleurs indésirables, il s’agit d’apprendre à vivre avec elles, tout en agissant en accord avec ses valeurs.
Contrairement à une approche qui viserait uniquement la “gestion” du diabète, l’ACT invite à une transformation plus profonde : reconnaître les difficultés sans les nier, pour pouvoir investir son énergie dans ce qui donne du sens à sa vie. Ce n’est donc pas une thérapie de la résignation, mais une démarche d’engagement vers ce qui compte.
L’ACT repose sur six processus interdépendants qui visent à renforcer la flexibilité psychologique, c’est-à-dire la capacité à rester en contact avec l’instant présent tout en agissant en accord avec ses valeurs. Le premier processus, la défusion cognitive, consiste à prendre de la distance avec ses pensées pour éviter qu’elles ne dictent systématiquement nos comportements. Le second, l’acceptation, invite à accueillir les émotions et sensations désagréables sans chercher à les supprimer à tout prix. Le troisième, le contact avec le moment présent, développe une attention ouverte et curieuse à ce qui se passe ici et maintenant. Le quatrième, le soi comme contexte, aide à se décentrer de son histoire personnelle ou de ses jugements intérieurs. Le cinquième, la clarification des valeurs, permet d’identifier ce qui est profondément important pour soi. Enfin, l’action engagée incite à poser des actes concrets, même petits, en cohérence avec ces valeurs. Ensemble, ces processus permettent aux personnes vivant avec une maladie chronique comme le diabète de composer avec les difficultés inévitables sans se laisser définir ou limiter par elles.
Figure 1 : Représentation de l’Hexaflex issu de l’ACT (Gillanders & Gillanders, 2014)
Comme le montre la figure ci-dessus, les processus présentés peuvent être à la fois développés dans le cadre d’une rigidité psychologique et l’objectif du clinicien sera de les amener vers une plus grande flexibilité psychologique.
Un exemple parlant
Une participante du programme DiabACT, atteinte de diabète de type 2 depuis plusieurs années, confiait :
« Avant, je culpabilisais dès que je “craquais” sur un aliment. Maintenant, je comprends que ça arrive, mais je ne remets pas tout en cause. Je reprends le fil, je pense à pourquoi je veux prendre soin de moi. »
DiabACT : une expérimentation au service des personnes concernées
Le programme DiabACT, développé au sein du Diabète LAB et de la Fédération, a été conçu pour tester cette approche en ligne auprès de personnes vivant avec un diabète. L’idée : proposer un accompagnement accessible, sans remplacer les soins médicaux, mais en les complétant par une réflexion sur soi, ses émotions, ses valeurs.
Le programme se déclinait en six modules, incluant des vidéos, des exercices pratiques, des fiches et des espaces d’expression. Il aborde des thématiques comme :
- Se détacher des pensées qui tournent en boucle
- Identifier ce qui compte profondément pour soi
- Apprendre à accueillir l’inconfort sans se laisser dominer
- Agir par petits pas vers une vie plus alignée avec ses valeurs
Ce que disent les participants
L’étude DiabACT a permis d’évaluer les effets de cette démarche. Parmi les personnes ayant suivi le programme :
- Beaucoup ont rapporté un sentiment de “déculpabilisation”
- Un effet positif sur l’anxiété liée à la maladie a été observé
- Les participants ont exprimé une plus grande capacité à “revenir à l’essentiel” dans les moments difficiles
Un participant résume ainsi ce changement :
« Ce n’est pas que je souffre moins, mais je me sens moins submergée. J’ai des outils maintenant. »
Une autre façon de penser l’accompagnement
L’approche ACT, telle qu’expérimentée dans DiabACT, ne cherche pas à remplacer l’éducation thérapeutique ou le suivi médical. Elle propose autre chose : un espace pour remettre du sens là où la maladie risque parfois d’enlever de la clarté. Pour les professionnels de santé, c’est aussi une invitation à penser l’accompagnement comme une co-construction, en valorisant la parole des personnes et leur capacité à définir ce qui fait sens pour elles.
Références majeures
GILLANDERS, Sara et GILLANDERS, David. An Acceptance and Commitment Therapy intervention for a woman with secondary progressive multiple sclerosis and a history of childhood trauma. Neuro-disability and Psychotherapy. 2014, vol. 2, pp. 19-40.
GREGG, Jason A., CALLAGHAN, Glenn M., HAYES, Steven C. et GLENN-LAWSON, Jennifer L. Improving diabetes self-management through acceptance, mindfulness, and values : A randomized controlled trial. Journal of Consulting and Clinical Psychology [en ligne]. 2007, vol. 75, n° 2, pp. 336–343 [consulté le 2 juillet 2025]. Disponible à l’adresse : https://doi.org/10.1037/0022-006X.75.2.336
HAYES, Steven C., STROSAHL, Kirk D. et WILSON, Kelly G. Acceptance and Commitment Therapy : The process and practice of mindful change. 2e éd. New York : Guilford Press, 2011.
HEHN, Coline. DiabACT : impact d’une intervention en ligne étayée par la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement sur la flexibilité psychologique de patients diabétiques. Thèse de doctorat : Psychologie de la santé : Université de Lorraine, 2025.
