Résultats d’une enquête qualitative
L’expérience des hypoglycémies sévères : regards croisés de patients et de proches

Vous pouvez lire l’article ci-dessous ou découvrir le poster qui a été présenté au 37ème Congrès de la Société Française d’Endocrinologie (SFE) qui s’est tenu au Havre, du 13 au 16 octobre 2021.

L’hypoglycémie est l’effet indésirable le plus courant du traitement du diabète par insuline. Si la plupart des hypoglycémies sont peu symptomatiques, il est généralement estimé que les patients font l’expérience d’une Hypoglycémie Sévère (HS) en moyenne une fois par an (Cryer, 2010).

Celle-ci est temporairement invalidante, parfois accompagnée de convulsions ou de comas. Les conséquences d’une HS sur l’état physique et cognitif rendent le resucrage difficile, voire impossible. Dans ce contexte, le Glucagon, qui permet de faire remonter le niveau de glucose dans le sang et aux patients de reprendre connaissance, est généralement recommandé (Kedia, 2011).

Pourtant son utilisation semble suboptimale (Harrism et al., 2001). Il en résulte que les HS sont sources d’anxiété et de peur (Wild et al., 2007) et qu’il est généralement considéré qu’elles ont un impact majeur sur la qualité de vie des personnes diabétiques et de leurs proches (Frier, 2008). Afin de mieux comprendre les expériences associées aux HS, le Diabète LAB de la Fédération Française des Diabétiques a réalisé une étude qualitative multifocale dont les objectifs étaient :

– d’évaluer l’impact des HS sur la qualité de vie,

– d’identifier les stratégies de préventions mises en place par les patients,

– d’identifier les difficultés associées à l’usage du Glucagon.

Pour répondre à ces objectifs, deux sources de données qualitatives ont été mobilisées.
➡ Le recueil des verbatim ainsi que des images associées aux termes « hypoglycémie sévère », « glucagon », « glucagen » et « coma diabétique » a été effectué sur Facebook, Instagram et le forum de Doctissimo.
➡ Treize entretiens semi-directifs ont été réalisés, dont neuf avec des personnes atteintes de diabète de type 1, trois avec des proches de personnes diabétiques et un avec un diabétologue.

Résultats

?Les HS altèrent la relation des personnes diabétiques à leurs proches. Elles font notamment remonter les peurs associées à la maladie (dégradation physique de la personne diabétique, faiblesses, la mort prématurée).

?Les HS modifient le rapport des personnes diabétiques à leur maladie et à leur traitement. Elles remettent en cause leurs habitudes et repères habituels participant au développement d’un sentiment de dépassement.

?Les HS diminuent l’estime de soi des personnes diabétiques. Elles remettent en cause leur capacité à être « actrices » de leur santé.

?Les HS affectent la relation thérapeutique. Celles-ci sont attribuées par certains professionnels de santé à un comportement inadapté des personnes diabétiques. Cela peut se traduire par une infantilisation des personnes diabétiques.

?Les HS perturbent les activités quotidiennes. La peur de tels épisodes peut favoriser les attitudes d’évitement, ce qui participe à une diminution de l’espace des possibles des personnes diabétiques.

Afin d’éviter les HS, les personnes diabétiques mobilisent généralement trois stratégies.

Elles emportent « du sucre » lors de leurs déplacements et en disposent dans les lieux stratégiques qu’elles fréquentent.

Elles multiplient les contrôles glycémiques. Cette stratégie est favorisée par la démocratisation des dispositifs de mesure du glucose en continu.

À noter que les dispositifs permettant d’alerter les personnes en cas d’hypoglycémies permettent de prévenir les HS et rassurent.

Enfin, certaines personnes diminuent la quantité d’insuline injectée. Elles préfèrent une hyperglycémie modérée, mais chronique, à une HS.

En cas de HS, le Glucagon est identifié comme le traitement de référence par l’ensemble des personnes interrogées. Son usage est cependant limité par son mode d’administration, notamment parce que ce traitement doit être administré par voie sous-cutanée ou intramusculaire par un proche, ce qui peut être source de crainte.

La plupart des proches consultés estiment ne pas avoir les compétences nécessaires à l’administration du Glucagon.

Par ailleurs, des difficultés de stockage « au frais » limitant le recours à cette thérapeutique en cas de déplacement sont évoquées. Il en résulte que l’utilisation du Glucagon en situation extrahospitalière (domicile, travail, etc.) est rare.

Certains patients ne l’ont d’ailleurs jamais utilisé dans ce contexte. En cas d’hypoglycémie sévère, il est courant que les proches aient recours aux secours médicaux.

Discussion

Les HS ont des répercussions sur la vie des patients d’autant plus importantes qu’il est difficile de les traiter lorsqu’elles surviennent. Le niveau de formation et des d’information des proches des personnes diabétiques ne leur permettent pas toujours d’utiliser la seule thérapeutique disponible, c’est-à-dire le Glucagon (Kedia, 2011). Dans ce contexte, il pourrait être pertinent de sensibiliser les proches des personnes diabétiques aux HS et de les former à l’usage de cette thérapie. L’apparition de l’administré par voie nasale (BAQSIMI, 3mg) pourrait permettre de pallier les principales difficultés rencontrées par les patients et leurs proches (Bajpai et al., 2019).

Conclusion

Les HS impactent différentes dimensions de la qualité de vie. Celle-ci est notamment affectée par l’anxiété et l’évitement de certaines activités, mais aussi par une diminution de l’estime de soi. En effet, malgré un niveau d’expertise dans la gestion de leur maladie, les HS altèrent le sentiment de compétence. Diverses stratégies de prévention sont mises en place par les patients pour en prévenir la survenue. Bien qu’identifié comme traitement de référence, les patients et les proches évoquent différentes réticences quant à l’usage du Glucagon. Celles-ci sont liées principalement à son mode d’administration. La formation des proches à son usage ou l’utilisation du BAQSIMI pourraient améliorer la qualité de vie des personnes diabétiques et de leurs proches.

Cette étude a été financée par Lilly.

Bibliographie

BAJPAI S.K., CAMBRON-MELLOTT M.J., PECK E., POON J.L., WANG Q., MITCHELL B.D., BABROWICZ J., CHILD C.J., RAIBULET N.K., BEUSTERIEN K., 2019, « Perceptions About Glucagon Delivery Devices for Severe Hypoglycemia: Qualitative Research With Patients, Caregivers, and Acquaintances », Clinical Therapeutics, 41, 10, p. 2073-2089.e6.
CRYER P.E., 2010, « Hypoglycemia in Type 1 Diabetes Mellitus », Endocrinology and metabolism clinics of North America, 39, 3, p. 641‑654.
FRIER B.M., 2008, « How hypoglycaemia can affect the life of a person with diabetes », Diabetes/Metabolism Research and Reviews, 24, 2, p. 87‑92.
HARRISM G., DIMENT A., SULWAY M., WILKINSON M., 2001, « Glucagon administration – underevaluated and undertaught », Practical Diabetes International, 18, 1, p. 22‑25.
KEDIA N., 2011, « Treatment of severe diabetic hypoglycemia with glucagon: an underutilized therapeutic approach », Diabetes, Metabolic Syndrome and Obesity: Targets and Therapy, 4, p. 337‑346.
WILD D., MALTZAHN R. VON, BROHAN E., CHRISTENSEN T., CLAUSON P., GONDER-FREDERICK L., 2007, « A critical review of the literature on fear of hypoglycemia in diabetes: Implications for diabetes management and patient education », Patient Education and Counseling, 68, 1, p. 10‑15.